Chroniques

The Mantles Long Enough To Leave

Formés en 2006, The Mantles ont toujours eu cette forte propension à prendre leur temps : ils ont mis trois ans à donner naissance à leur premier album, puis quatre pour Long Enough To Leave. Un stakhanovisme à l’envers qui les distingue d’emblée des autres gaillards qui forment l’hyperactive scène garage de San Francisco, dont The Mantles sont originaires. Ainsi, on retrouve notamment sur ce deuxième effort des titres qui trainaient sur la blogosphère depuis un bon petit moment. Le quatuor se considère d’ailleurs comme un groupe amateur, lui qui n’aime pas spécialement tourner (« We ended up getting sick » dixit les intéressés à propos de leur précédente tournée), et confie même son incompréhension lorsque des gros machins comme Pitchfork s’intéressent à lui.

Si The Mantles donnent dans le garage, à l’instar de Ty Segall et compagnie, ils ne s’en distinguent pas uniquement de par leur hyper-non-productivité mais aussi par des penchants plus pop. Et s’ils ont pris leur temps pour pondre ce second album, s’ils ont fait le tri entre une foultitude de titres, le résultat tient en dix morceaux dont la durée dépasse rarement trois minutes. Les californiens, en particulier leur chanteur Michael Olivares, semblent avoir assimilé une bonne partie des règles du genre. Moins brut, plus abouti mais surtout plus subtil dans les mélodies, Long Enough To Leave tranche assez clairement avec The Mantles. Les guitares saturées ont fait place à des riffs gentillets, un garage pop et guilleret s’est substitué aux accents primitifs des premiers morceaux du groupe. Les Mantles n’ont en fait gardé de l’esprit de ces premiers enregistrements que le meilleur, à savoir des petits bijoux torturés (« Don’t Lie », pour n’en citer qu’un).

Ressortent de ce joli album quelques mélodies particulièrement inspirées : de l’insouciance des vocalises d’Olivares sur « Marbled Birds » au vague à l’âme de « Shadow Of Your Step », les Mantles s’en tiennent plus ou moins à un seul et même registre. Et ce, avec quelques fulgurances des plus réjouissantes à la clé, comme « Raspberry Thigs » et « Brown Balloon ». Mais surtout « Bad Design ». Le voilà, le morceau parfait de bout en bout, celui qui vous fait basculer un album. Ce chant éraillé et écorché prompt à vous imprégner indéfiniment le cervelet et ce riff de guitare effréné (qui collait d’ailleurs plutôt bien à la vidéo parue deux ans auparavant et composée d’images de l’adaptation de La Bête Humaine par Renoir, une histoire de locomotives, tout ça tout ça) ne peuvent que déclencher la réaction suivante (enfin, si vous réagissez à la musique de la même manière que moi) : votre foi en l’humanité va prendre un coup de jeune.

Le souci est qu’à côté d’un tel titre, le reste de l’album peut parfois paraître un peu fade. S’il n’y a aucune mauvaise chanson sur la dizaine proposée, certaines tombent s’avèrent quelconques et le tout peut s’avérer parfois répétitif. Par exemple, « Don’t Cross Town » n’a rien de passionnant, tout comme « More That I Pay ». Il n’empêche que Long Enough To Leave est un album à la cool, comme disaient les jeunes des années 2000. On n’a pas le temps de s’ennuyer à l’écoute de la chose, grâce aux quelques fulgurances qui viennent épicer l’ensemble (« Bad Design », bon sang !). Et puis, sachant que The Mantles se considère comme un groupe amateur, le rendu est tout de même plus qu’honorable.

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