Selon les standards Pitchfork x 2k13 de la bôôôté, Hummingbird mérite bien son petit 9,2. Selon les standards de l’excitation immédiate et surtout, sur la durée (au prisme notre propre système de notation), vous n’avez, ma foi, qu’à lever les yeux. Et paf, le gars ! Il nous fait sa petite punchline sur Pitchfork (quatre ligne et on en est déjà à deux associations d’idées du point Godwin anti-hipsters) histoire de garder le branché en éveil, de le chauffer à blanc, et de faire fuir le pauvre vagabond qui désirait simplement se nourrir d’un avis à froid sur un disque qui l’intéresse. Les fins connaisseurs du Marmiton de la musique indie and beyond s’en apercevront, tous les ingrédients pour que Local Natives rentre dans l’officiel du cool sont réunis : tournée avec Arcade Fire, deuxième album qui est « une évolution de notre son » et, oh allez, Aaron Dessner de The National à la production.
Après un premier disque, Gorilla Manor (8,4 sur l’échelle du coule) sorti en 2009, bouffi de percussions polyphoniques à la Yeasayer, d’harmonies qui évoquent assez rapidement les Fleet Foxes, et un penchant pour le dramatique hérité d’Arcade Fire, revoici notre quatuor (leur bassiste s’est fait la malle) issu de l’enclave hipster (IL VA LE FAIRE!) de Silver Lake, Californie. Le concept de ce nouvel album est grosso modo le même, mais les enjeux sont tout à fait différents : si Gorilla Manor a mis près d’un an à sortir et que les Local Natives émergeaient de nulle part, le petit « buzz » qu’il a généré leur complique légèrement la tâche.
Bon, déjà, il y a clairement incompatibilité d’humeur : les coulantes de falsetto d’une quinzaine de secondes, et ce systématiquement, difficile de piger où ça mène. Hummingbird n’est même pas ce genre d’albums qui s’avère détestable, reste que l’on se demande pour qui il a été fait. Avec qui, quand, où et pourquoi sommes-nous censés écouter ce disque ? Pas un seul plan dans l’album, pas un petit bout de texte, rien, qui vous indique que ces mecs s’amusent. S’il est très sérieux d’une part, il est invulnérable de l’autre : malgré ces harmonies et ces voix qui, étant donné la longueur des « ahhhh » et des « ohhh » qu’elles émettent, ont manifestement mal, rien ne transparaît. On sent bien que certains passages, comme l’incursion de piano sur « Heavy Feet », sont destinés à donner une petite dimension dramatique à l’ensemble. Et globalement, ça fonctionne. Ça fonctionne aussi sur « Breakers » et « Black Balloons », seuls morceaux qui prennent vie (et où, bizarrement, ces voix suraiguës baissent d’un registre ou se mettent dans le ton du morceau). Mais c’est tout. Rien d’autre. Ça fonctionne.
Sérieux, passe encore, invulnérable, passe encore, mais là où l’analyse entre dans une impasse, c’est lorsqu’on réalise aucune place n’est faite pour l’auditeur. Et comme chacun sait, tout ce qui ne rigole pas est ennuyeux, et que toute entité infaillible est dénuée d’intérêt. On peut distinguer deux types de bons disques : ceux qui vous attrapent par la main, et ceux qui scrutent le monde par-dessus votre épaule. S’il constitue une sorte d’orgie instrumentale, en ce qui concerne le discours, Hummingbird vous fixe, là, droit dans les yeux, armé son regard le plus inexpressif. Les Local Natives sont à la musique ce qu’une série de photos sur 9Gag est au rire : les riffs semblent mécaniques, les émotions, mimées et l’empathie, absente. Ils ont pris le pire d’Arcade Fire pour en ressortir sans le meilleur : le storytelling et le muscle.