Aujourd’hui, le jeune rappeur qui veut se frayer un chemin dans le flot permanent des sorties et espérer se faire entendre à plutôt intérêt à compter sur ses potes. Il y a trois, ans c’était Odd Future qui montrait l’exemple, marchant rang serré vers l’industrie, puis A$AP Mob et Pro Era leur ont emboîté le pas. Petits nouveaux dans le paysage, les anglais de ont bien assimilé le message : “Qu’un seul tienne et tous les autres suivront.”
Comme à chaque fois le modèle est le même, des chefs de file aisément identifiables au sein d’un crew dont il est impossible de dénombrer les membres (Tyler, The Creator aime dire en interview qu’ils sont soixante, chez Odd Future). Une bande au sein de laquelle on ne compte pas que des MC ou des producteurs mais aussi des photographes, réalisateurs ou encore des graphistes. Le but de tout ça c’est d’être autonome, de vivre en autarcie en tant que collectif. C’est exactement le type d’organigramme en place chez Last Night in Paris : difficile de savoir combien ils sont exactement. On distingue tout de même trois ou quatre MC réguliers, un réalisateur qui tourne tous leurs clips et parfois des membres provisoires comme , jeune espoir de la scène R&B anglaise.
Les jeunes Londoniens, comme leurs prédécesseurs, ont aussi assimilé l’importance des réseaux sociaux dans la diffusion de leur musique. , (qu’ils bourrent de photos de nanas à moitié dévêtues), , le panel est complet. Une mixtape et des clips pour presque tous les morceaux distillés semaine après semaine sur leur tumblr. Sur Internet, en 2013, il faut exister et rappeler qu’on existe à ses fans comme une attention-whore de première catégorie.
Depuis un an ou deux, le genre connaît un nouvel age d’or : « 2013 is the new 1994 ». Pourtant, le tout commence déjà à tourner en rond et tout se ressemble, le rap se phagocyte de l’intérieur. Myopathie musicale. Voilà le climat dans lequel arrive le premier EP de Last Night in Paris (39 minutes tout de même, téléchargeable gratuitement ). On s’attend d’abord à un énième crew de rappeurs qui va poser la même pierre que tous les autres a l’édifice du hip-hop. Et non, leur contre-pied est parfait. LNIP ne joue pas cette trap vulgaire ou ce « old school » calculé, ils ouvrent une nouvelle porte, et on se dit qu’il y a des chances qu’on tienne ici la musique du futur. On sent aussi qu’ils ont digéré vingt années d’underground, et ce bien au-delà des sphères hip-hop et R&B.
Roses donne le sentiment que ces mecs sont en train de poser de nouvelles bases. Si par le passé les producteurs allaient chercher l’inspiration dans les musique noires, aujourd’hui, la musique électronique vient de plus en plus rôder autour des instrus hip-hop. Ce premier EP, sorti il y a quelques semaines, est le mariage heureux de beats doux et de nappes électroniques planantes. Chaque capitale a sa drogue emblématique, Bruxelles et le speed, Berlin et ses pilules, c’est a la Ketamine qu’on associe le plus souvent Londres. Anesthésiant pour cheval, les trips sous « keta » ressemblent à un vol plané dans un champ de nuages. Les jeunes anglais ont totalement embrassé cet héritage pour en faire des sons, et Last Night in Paris, c’est de la musique en coton, du rap au ralenti