Ce disque est un immense foutoir. Avec (accrochez vous) des morceaux qui doivent autant à Bob Dylan, MGMT, Beatles, The Zombies, Tame Impala, The Smiths, The Stone Roses, Foals, Marvin Gaye qu’à Primal Scream, le tout saupoudré d’un peu de romantisme pop et de beaucoup de fanatisme pour une époque révolue, celle de l’Haçienda. Jagwar Ma, c’est Gabriel Winterfield et Jono Ma. Ils viennent de Sydney et ont reçu les félicitations de Noel Gallagher et de Johnny Marr, sans oublier le patronage de Foals (Jono Ma a produit plusieurs de leurs morceaux). L’histoire : une peinture de félin trouvée sur le bord de la route, une blague potache, et un amour immodéré pour « » et The Avalanches. Sans oublier d’adolescence dont ils préféreraient qu’on évite de parler. Voici, grosso modo, les grandes lignes d’un CV jusqu’ici disponible en version light et certifié « made in le garage familial ».
Le micro sur la figure, voilà comment ils tentent de rationnaliser le bordel : « Notre grosse influence en terme d’écriture, c’est le hip hop. On commence avec une idée, et on en fait une boucle. C’est une ligne de basse, ou juste un beat de batterie, il n’y a pas de règle. Puis on rajoute des choses par-dessus, et c’est ainsi que naissent les morceaux, un peu par accident. Nous sommes très fan de A Tribe Called Quest, qui fonctionnent aussi par collages ». Simple comme bonjour, en tout cas sur le papier. Dans les faits, cela donne un fatras dont on peine à la première écoute à décerner les contours. Trop d’idées, de directions empruntées, trop de tout, et pas assez de rigueur (de talent ?) pour canaliser ce trop-plein d’intentions. Tandis que sur le même continent, au même moment, un mec comme Kevin Parker parvient sans mal (en apparence, mais au prix d’un immense travail de réflexion s’apparentant, comme il le dit lui-même, à de la « torture ») à condenser l’immensité de sa réflexion au sein d’un format pop. Ce qui fait que, sur Howlin’, difficile d’entendre autre chose que deux sales gosses foutant la merde. Singeant la house sur « Four ». Ne sachant plus s’arrêter sur « The Throw », efficace deux minutes, malin trois, lourdingue huit.
Puis, petit à petit, sans même que l’on s’en rende compte, aux alentours du poppy « Let Her Go », quelque chose semble se dessiner. Une deuxième moitié plus concise, moins fourre-tout. Alors que l’on semblait se diriger vers une impasse (« What Love » ne touche pas, « The Loneliness » amuse un peu avant de lasser), la petite bande semble vouloir se détacher de ses penchants Madchester pour voler de ses propres ailes. Cela donne un « Backwards Berlin » qui, sentant malgré tout bon le remplissage de dernière seconde, a le mérite de sonner comme l’œuvre d’un groupe de 2013 et non comme la carte postale d’une autre décennie. Curieux, on remet l’album au début (enfin, on retourne le vinyle, Howlin’ se découvre idéalement ainsi).
Et, si l’on ne rejuge pas à la hausse la maladresse évidente avec laquelle le trio a abordé l’album, on ne peut s’empêcher de trouver cela touchant. Désarmant de beauté, presque, par moments. Avec ses plages tantôt faites pour la scène, tantôt pour une conduite en état d’ébriété sur les côtes californiennes (ce que l’on fera bien un jour ou l’autre) il y a ici largement de quoi justifier une curiosité et toute notre attention. Malgré tout, on tient là un disque loin d’être chiant et volontiers épique par moments (et en live). Sans le fléau du cynisme et sans arrière pensée. On aime Fidlar et Drenge pour les même raisons, pour la simplicité et ce petit bonheur communicatif. Reste à savoir si la suite parviendra à être aussi touchante que ce coup d’essai.