Éminence grise auréolée d’une signature à la moitié des années 2000 sur un label WARP au prestige alors toujours intact, Jackson Fourgeaud avait fait forte impression avec son Smash, premier album séminal dont la réécoute aujourd’hui permet de se rendre compte de son impact sur toute une jeune scène électro française.
Si l’on devait résumer Glow, son nouvel album, on pourrait dire que le producteur semble avoir repris à son compte l’opération de relecture de l’entier spectre pop effectuée par la musique électronique depuis maintenant près d’une décennie. Les glitchs et autres tics warpiens de son premier essai s’effacent donc devant des structures d’apparence plus traditionnelles, mélodiques, et blindées de guests vocaux (Natas Loves You, Plannintorock, CosmoBrown et Anna Jean du groupe Domingo…).
Jackson et son Computer Band ne tombent pas pour autant dans l’électro rock ou la pop progressive basique. Le producteur semble avoir bien mis à profit sa retraite de huit ans (hormis une BO pour une prod’ Kassovitz), bien loin du rythme effréné de l’actuel électro game, avec sa flottille d’EP et remixes. Glow ne se contente donc pas de pondre des gimmicks efficaces et s’attache à créer une véritable empreinte sonore. Cela pour une amplitude nouvelle donnant parfois l’impression qu’un orchestre philharmonique électro bien perché sous MDMA – en mode sale – éclipse le Computer Band des origines.
Les fans de la première heure retrouveront le frisson de son vieux tube « » sur trois nouveaux titres taillés pour violenter les dance-floors. L’un d’eux, « Pump », pousse même le vice jusqu’à renvoyer la balle à Justice – des fans de la première heure – via des montées symphoniques rappelant l’ouverture du premier LP du duo. Pour le reste, « Blood Bust » est la décharge électro punk idéale pour incendier une fosse alors que « Arp #1 », premier titre dévoilé, est une montée de plus en plus épique à mesure que des cascades de pistes s’accumulent autour du martèlement d’une sirène.
Pour le reste, Jackson semble piocher un peu partout : remugles trap et electronica warpienne (« Seal »), réminiscences de Goldfrapp (le glam « Dead Living Things » et sa vrombissante ligne de basse), psyché-pop anglaise (« Memory », parfaite conclusion en live) ou même hard rock FM (« G.I. Jane », comme du Jamaica en apnée). Des rappels rythmiques ou sonores parfois martyrisés pour tenir dans une cathédrale sonore dont Jackson serait le grand sorcier.
Comme une sorte de Post-Millenium Tension en réponse au troisième album d’un certain Tricky. En 1996 et sur fond de dernier inventaire pop avant l’apocalypse, le Bristolien relâchait lui aussi ses humeurs et atmosphères sombres sur fond de grooves électroniques infectieux. Moins de vingt ans plus tard, Jackson semble convoquer les mêmes démons sur ce Glow, toujours loin perché entre ombre et lumière. Et surtout, mine de rien, Jackson rappelle surtout que la musique électronique n’est pas seulement affaire de dance-floor.