Il faut écouter Ready To Die en oubliant les termes suivants et ce que l’on y associe traditionnellement : « The Stooges », « Fun House » et « Raw Power ». Et ce pour une bonne raison : Iggy et ses Stooges ne se comportent plus tels des damnés chantant leur combustion en enfer. La dignité de l’âge. Et comme l’enfer n’a pas souhaité les avaler tout de suite (enfin, pas tous) la société moderne a sciemment décidé de conserver les Stooges et d’en faire des héros. Depuis les premiers concerts de Iggy & co en 2003 (après leur retour, donc) il y avait de quoi se dire why not. Après tout, pourquoi interdirions-nous à nos croulants du rock de remonter sur scène ? Surtout qu’à leurs débuts, les Stooges étaient plus ou moins des parias (leurs albums n’ont jamais atteint le top 100 aux Etats-Unis à l’époque de leur sortie).
Si la bande du Pop fait depuis longtemps partie du panthéon du rock, personne n’a eu jusqu’ici l’idée saugrenue de réclamer de nouvelles chansons des Stooges (The Weirdness, anyone?). Déjà qu’il devient difficile d’assumer les Rolling Stones en 2013, alors ce cramé d’Iggy Pop…
Malgré un bon millier de raisons d’être sceptique à l’égard de la chose, il faut avouer que Ready To Die est un album surprenant. Et, aussi étrange que cela puisse paraitre, l’ensemble est recommandable (enfin, ce n’est pas l’avis de tout le monde, à commencer par certains membres de notre auguste rédaction), loin d’être anecdotique. Les chansons oscillent entre le « pas mal » et le « très bon », c’est en tout cas bien loin du rock aux bajoues pendantes que l’on redoutait. Alors certes, les morceaux les plus rock comme « Burn » ou « Gun » sont un peu gras du bide, mais on y retrouve le jeu de guitare du James Williamson, toujours très vicelard. Surtout, on constate rapidement que c’est dans les balades que le groupe excelle désormais. La dignité de l’âge, encore.
La bonne (et inespérée) nouvelle de ce disque, c’est que s’il ne porte pas le sceau des Stooges d’hier, il peut être placé sur un pied d’égalité avec l’album maudit du Pop et de Williamson, Kill City, sorti en 1977. On pense aussi à New Values de l’Iguane, produit par le même Williamson et enregistré pour oublier les années Bowie et Berlin. À ce titre, « Sex and Money », très drôle et pleine de cynisme, rappelle la du millésime 1979 avec son groove cabossé rehaussé de claps claps.
« The Departed » est un bel hommage à Ron Asheton, ancien guitariste des Stooges décédé en 2009, et vient compenser l’absence forcée (une première) de l’aîné de la fratrie. Quant à « Beat That Guy », c’est ni plus ni moins une merveille de balade acoustique. On peut parler de folk stoogien, de déclamation fière, aux paroles pas loin d’un Springsteen qui aurait abandonné son côté politiquement correct.
Cet album propre n’a rien d’un happening marketing, et ce groupe a toujours évolué dans les marges (à son corps défendant ou non) de la lessiveuse MTV dans laquelle fut aspirée une génération entière de groupes. Même si Iggy a eu ses périodes sombres (à commencer par et plus récemment , une pub en featuring avec le sosie de Pierre Moscovici), cet album ressemble à une déclaration d’intention, non à un trip pour nostalgiques. « Prêt à mourir » c’est l’idée que les Stooges, loin du cliché attendu, font acte de dignité par rapport à leur histoire, par rapport à l’époque actuelle. La dignité de l’âge, on vous disait.