Chroniques

IAM Arts Martiens

Selon un tout récent sur les grandes villes préférées des français, Paris arrive en tête avec 52% tandis que Marseille et ses poubelles est bonne dernière avec 15%, derrière Lille et ses relents de houblon. Quelles raisons peuvent justifier un tel désaveu ? Le fait que l’Olympique de Marseille pointe à la deuxième place de Ligue 1, et ce malgré un niveau de jeu affligeant et un nombre de buts marqués (37) inférieur à celui d’Évian TG (39), pourtant dix-septième au classement ? Les frasques judiciaires et autres magouilles des frères Guérini ? Les règlements de compte à la kalachnikov entre jeunes sans foi ni loi ? Un accent méridional imbitable ? Il y a sûrement un peu de tout ça. Mais pas seulement, car après avoir écouté le dernier album d’IAM, on a compris que les vétérans marseillais venaient de porter le coup de grâce à leur ville chérie.

Si j’avais eu mon mot à dire sur le nom du sixième album d’IAM, je ne l’aurais pas appelé Arts Martiens mais plutôt Vieillards Martiens ou Maladie d’AlzheIAMer ou De la maison de disques Def Jam à la maison de retraite Death Jam. Et vous ?

J’exagère un brin. Arts Martiens, si on jette un coup d’œil gêné au biotope du rap français, n’a rien de honteux. Si on le compare à l’aune de son prédécesseur, l’embarrassant Saison 5, non plus. Grosso modo, la respectable discographie du groupe mythique se scinde en deux périodes : l’âge d’or avec les classiques que sont Ombre est lumière (1993) et L’École au micro d’argent (1997) ; l’âge de fer depuis le début des années 2000, l’inspiration ayant fermé son sein, IAM enfonçant les portes que le groupe avait lui-même déjà ouvertes au cours des années 1990. Et c’est bien dans cette deuxième classe qu’Arts Martiens se place.

Thématiques vues et revues, éculées et anecdotiques (les inégalités, le racisme, etc.). Le ton est trop désabusé, plaintif aussi, pour ces mecs de 45 balais pas vraiment à plaindre. Les textes ont peut-être été écrits dans l’urgence, l’album prévu à l’origine devait être mais pour des chicanes contractuelles, le projet est tombé à l’eau. Peu convaincant. Après vingt-cinq ans de carrière, IAM sent la naphtaline et n’a tout bonnement plus rien à raconter. Disons-le sans circonvolution : ils sont trop vieux. Alors qu’ils dansaient le MIA il y a vingt ans pile poil, les voilà à nous servir leur chant du cygne et nous raconter ce qu’il y a « Après la fête », passant de la boite de nuit à la boite à chaussures (« Dans une boite à chaussures, on a rangé nos photos » : COOL). Ces papas, nostalgiques de leur jeunesse, nous servent la même soupe écrite au passé, en plus tiède, avec moins de panache, moins d’ironie, moins de finesse (« Avec le crew, aux allées Gambetta on marchait à vingt / Narguait les bleus qui défilaient et se mettaient en pétard »). À l’écoute de ces dix-sept morceaux mi-gâteaux mi-gâteux, (« L’instant d’après, on s’éveille auprès d’elle / Deux secondes plus tard, sans le voir venir, on se retrouve devant la maternelle. ») même les spectateurs de l’émission Les Maternelles ou les pères en galère s’ennuient ferme.

Pour ce qui est des beats, Imhotep a ramené sa MPC et son penchant pour le gros rap new-yorkais, toujours assaisonné de leur trip asiatico-mystique. Mais encore une fois, pas de surprise, rien de neuf et, même s’il est appréciable de voir un groupe rester fidèle à sa ligne de conduite, le résultat paraît d’un autre temps, à la limite du ringard. Étrange quand on sait que le vintage a le vent en poupe (de 1995 chez nous à Joey Badass de l’autre côté de l’Atlantique) et qu’un vieux de la vieille comme Nas est revenu tranquiilou aux basiques et au bon vieux boom bap des familles avec Life is Good tout en s’autorisant un featuring avec Rick Ross pour ancrer l’album dans son époque.

Un peu comme le philosophe Blaise (Matuidi) Pascal, IAM a toujours misé sur Dieu plus que sur une vie bling-bling. Il y a plus de dix ans, cela ne les empêchait pas de faire des tubes. Mais hier, c’est loin et les voilà transformés en vieux grincheux radotant sur un air de « Ah les jeunes de maintenant c’est plus c’que c’était » (« Les petits ne savent pas poser un nom sur un légume »). Tout bien réfléchi, cet album devrait s’appeler Rest In Hospeace.

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