Chroniques

The Horrors Luminous

Un drôle de groupe. Voilà ce que nous apprenaient les trois premiers albums des Horrors sur la santé mentale de ses membres. Les choses avaient plutôt mal commencé entre eux et nous. Leur premier album, Strange House, paru en 2007, justifiait pleinement le nom du groupe : kitsch, mauvais goût, et par (courts) moments très excitant. Ce genre de disque aurait pu plomber définitivement un jeune groupe, car ce genre de garage-rock sauce Tim Burton n’était pas vraiment gage d’avenir. On ne pourra dès lors que féliciter le nez de XL Recordings, qui décide de signer la bande de jeunes vingtenaires. Grand bien lui en a pris.

Car le 21 avril 2009 (preuve que les 21 avril ne sont pas tous pourris) déboule le second album du groupe. Et une nouvelle fois, il va mettre tout le monde d’accord, mais dans l’autre sens : Primary Colours, qui sera d’ailleurs sacré « album de l’année » par le NME, est sans aucun doute l’un des disques les plus marquants des années 2000. On y a réellement découvert la voix de Faris Badwan, une voix d’une puissance émotionnelle ahurissante. Dans une ambiance à faire passer Ian Curtis pour un gai pinson, The Horrors déroulaient les morceaux comme autant de claques dans la gueule, avec en point d’orgue l’immense «  », sans aucun doute le meilleur « morceau à rallonge » de cette décennie.

Que faire ensuite ? Les pénibles garnements devenus héros alternatifs sortent Skying en 2011, non sans une certaine pression. L’envie de retrouver ces ambiances sombres et ce chant pouvait faire passer, un temps, à côté du disque. Car ce troisième bébé des anglais n’a pas grand chose à voir avec le précédent : si Primary Colours, d’une certaine manière, restait dans la lignée malaisante de Strange House, celui-ci donnait un sacré bol d’air aux envolées du groupe. Badwan lui-même semblait apaisé, cessant ses incantations d’outre-tombe pour un chant disons… plus pop. Certains osaient même labelliser ce disque « dream-pop », c’est vous dire le monde qui le sépare de son prédécesseur. Un point commun, cependant : les huit minutes et quelques de « Moving Further Away ». Passés l’étonnement et la frustration, force est d’admettre que ce disque est presque aussi bon que Primary Colours, qu’il chasse simplement sur d’autres terres.

Trois ans plus tard, donc, où en sont The Horrors ? Ils sont devenus adultes. Et les adultes, c’est parfois chiant. Pas de fol espoir ici : un titre comme Luminous promet forcément plus une suite à la Skying qu’à la Primary Colours. À première vue, rien de désagréable : « Chasing Shadows » fait parfaitement son boulot de morceau d’ouverture, annonçant la couleur (claire) du reste. Le chant de Badwan reste dans le registre de la légèreté, loin de l’incandescence de morceaux comme «  » ou «  ». «  » est drivée par ses synthés et fait figure de potentiel tube. Les distorsions électroniques de « In And Out Of Sight » laissent place aux cordes de « Mine and yours ». Bref, à première vue, tout roule.

Problème : quelque chose déconne dans la mécanique bien huilée du disque. Quelque chose au niveau des mélodies. Car c’est là que le bât blesse : les morceaux sonnent quasiment tous à l’identique, comme une sorte de Depeche Mode 0%. À une exception près : « I See You », le traditionnel morceau-plus-long-que-les-autres-parce-que-c’est-leur-signature-tasvu. Un bon titre. Mais pas à la hauteur de « Moving Further Away » et de « Sea Within a Sea ». Ce qui est un peu à l’image du disque, en fait : rien ou presque n’est vraiment désagréable ou raté, mais l’ensemble manque de souffle et d’imagination. Essayez donc de virer « I See You » de votre lecteur, et passez le reste en mode shuffle : vous ne vous en rendrez même pas compte. 

Vouloir offrir une œuvre cohérente est un effort on ne peut plus louable. Mais cette fois-ci, The Horrors ont confondu cohérence et banalisation. À trop vouloir chercher la lumière et aérer leurs compositions, l’écriture du groupe est etouffée par le poids de ces synthés et accords toujours trop similaires, formant ensemble un album qui ressemble finalement à une seule et unique très longue chanson.

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