Longtemps cantonnée au rôle de face B de son ancien compagnon Dominique A, Françoiz Breut s’est aujourd’hui pleinement affranchie. Carrière entamée sur le « Twenty Two Bar » du M. Propre de la chanson française, et cette réplique : « On ne sait plus pourquoi c’était / Pas plus que ces gens qui dansaient ». Comme un symbole. La Chirurgie des Sentiments est le cinquième album de la Dame depuis 1997, le premier en quatre années, et pas loin d’atteindre le niveau de son illustre Vingt à Trente Mille Jours.
Il y a une vraie complexité dans ces chansons, qui se basent désormais largement sur des samples et des synthétiseurs. Ceux-ci n’habillent pas les morceaux, ils en posent plutôt les contours. Une complexité cinématographique, voire picturale (Breut est illustratrice quand elle ne pousse pas la chansonnette), fait rare dans ce que l’on appelle paresseusement « la chanson française ». Douce et rétro, sa « BXL Bleuette » (« les beaux jours finissent toujours par arriver ») pose un décor largement mélancolique. Sa voix tout droit tirée des 60’s. Sa manière de raconter les histoires.
Françoiz Breut ne compose pas ses chansons, c’est son guitariste Stéphane Daubersy qui s’en charge. Pas de pont ni de couplets, jamais de refrains ou si peu. Sa pop est ailleurs, et si elle est parfois optimiste, elle n’est jamais joyeuse. Les chansons se déroulent, les temps forts prennent diverses apparences : quand elle chante « ta grâce et ton mystère, qui ne s’ex… pliquent pas » sur « Le Cabinet des Curiosités », les percussions qui s’immiscent dans la structure de « L’Ennemi Invisible », la narration fascinante de « La Gomme ».
Plus encore qu’auparavant, les chansons de Françoiz Breut s’envisagent comme des patchworks élégants, dont les différentes parties, samples ou instruments viennent apporter leur tonalité à l’édifice. « La Chirurgie des Sentiments » en est l’exemple le plus frappant et réussi, avec quatre utilisations distinctes de la guitare et de la mandoline, puis des overdubs de voix, le tout dans une chanson à la rythmique fondamentalement monotone. C’est élégant, très bien pensé et redoutable à l’épreuve des écoutes répétées. Le constat est le même tout du long de l’album : Françoiz Breut, personnalité singulière, est l’une des seules dernières originales de la pop française et ça se voit. Si ses morceaux ne vous attrapent jamais instantanément, c’est vous qui risqueriez d’avoir bien du mal à les lâcher.