« Moon Duo a composé la majorité de l’album réfugié dans un chalet du Colorado. Ils l’ont appelé Circles en hommage à un essai du poète transcendantaliste Ralph Waldo Emerson sur la nature ». Cette description postée sur le site du groupe prouve que les mecs passent un peu trop leur temps à fumer du cuir de bison. Ce qui ne les empêche pas de psalmodier leur innocence.
Formé à San Francisco par Erick « Ripley » Johnson – guitariste poilu, ancien de Wooden Shijps – et sa muse Sanae Yamada, Moon Duo se réclame donc d’une forme d’orientalisme beatnik. Un duo d’EPs – Killing Time et Escape – fraîchement accueilli par la critique en 2009 et la formation rejoint la cohorte des groupes de la West Coast fan de reverb, de Suicide, d’Alan Vega et du rockn’roll américain à Papa.
Début septembre, Moon Sun-myung, fondateur de la secte Moon mourrait en Corée du Sud. Ça n’a rien à voir mais compte tenu du nombre d’hystériques qui se pressaient à ses funérailles, il est plutôt raisonnable de penser que le culte de la lune a encore de beaux restes. Le premier album du duo Mazes parlait déjà de géométrie cryptique et suivait le même « pattern » ; élaboré dans la forêt puis enregistré et mixé à Berlin.
On y retrouvait certains ingrédients propres à Moon à base d’orgues, de clapotis de mains, de clavier gutturaux et de jolis riffs rappelant parfois le Velvet ou BJM. Après avoir gravé leur identité musicale dans les pins des Rocheuses et s’être isolé un hiver entier pour se concentrer fort et écrire des chansons près de la Blue River, Moon Duo offre un disque qui se veut proche de la nature décrite par Ralph Waldo Emerson en 1841 : « l’œil est le premier cercle, l’horizon qu’il forme en est le second, et à travers la nature, cette figure primaire est répétée à l’infini. »
Ce qui veut dire grosso modo que les soupirs de Johnson sont parfois entravés par les boucles de guitares et que Yamada est chargée de répéter la mécanique au clavier. Un travail de précision auquel vient s’ajouter un peu de folie et de distorsion. Une sorte de krautrock à la formule chimique modifiée, où les racines s’enfonceraient profondément dans la terre torturée. Ouvrir l’album avec son titre le plus optimiste, Sleepwalker, enchaîner avec des ballades estampillées National Geography, le journal désertique d’I Been Gone, la grosse séance de pédale en montagne sur le très bon Free Action.
Après avoir lutté contre la monotonie et les répétitions avec « Sparks »et « Dance Pt. 3 », « Rolling Out», brave morceau de 8 minutes, conclut l’album. Bande originale parfaite d’une chasse au grizzly sur Red Dead Redemption et chanson presque anachronique. Dernier bûcher du culte de la lune, à la fois enthousiasmant et d’une rigidité formelle. Toute l’ambivalence de Moon Duo capable d’un peu de chaos contrôlé réside dans Circles. Une manière d’épouser la vision de l’univers d’Emerson, à la fois fluide et volatile. Un peu comme la nature qui est parfois très shoegaze.