« Du sang, de la sueur et des larmes… » Ce n’est pas Churchill qui parle mais bien Lescop qui évoque ce que lui a coûté la confection de son premier album solo. On le croit. Il lui a fallu perdre cette apparence post-puberté, de lycéen qui ne veut pas grandir. Et surtout abandonner la musique qui l’accompagne. Celle d’Asyl, celle du rock français qui créé le malaise : la façon de chanter du branleur prétentieux et le jeu de guitare binaire, trop (mal) copié sur les anglais, comme seul et unique ambition créative. Lescop aurait donc payé le prix fort. C’est parfois ce qu’il faut pour se réinventer.
D’Asyl à Lescop, les lumières se sont éteintes, le froid s’est engouffré, l’élégance a pointé le bout de son nez lumineux. Autre homme, autre musique. Une boîte à rythme, un guitariste qui regarde ses pompes en jouant fort et précis comme toute personne atteinte de l’autisme shoegaze, des lignes de basse new wave. Pour ceux qui ne comprennent que la comparaison : ce serait Daho (jeune) qui rencontre My Bloody Valentine, ou même de temps en temps, un A Place To Bury Strangers français en moins bruyant et plus élégant. Similitudes évidentes sur « Tokyo la nuit », « Hypnose » et « Un rêve » avec un son riche, fort, et nostalgique de la fin des années 80. Et pourtant, tout est pop, en français.
Chez Lescop, le texte est véritablement travaillé. De belles histoires, bien écrites. Tant mieux. C’est la moindre des choses. Le travail de diction, lui, est impressionnant. Pas vraiment chantés, les mots sont racontés. Pas simplement dits, racontés, avec une rythmique qui entre en harmonie avec celle de la musique. Tout est fait pour danser, aussi bien la musique que les mots, sans pour autant être obligé comprendre ce qu’ils racontent. Tout est dans le ressenti. Asyl est bien loin. Lescop s’est réincarné en maître dandy de la pop française. En toute humilité, il a tendance à dire que cet album, c’est d’après lui ce qu’il a fait de mieux à ce jour. Il n’y a aucun doute là-dessus.