Chroniques

Frànçois & The Atlas Mountain Piano Ombre

Dans un monde où le fauteuil de nouveau chouchou de la pop change d’occupant chaque semaine, pas si étonnant que Frànçois Marry y ait sa place un jour. Après une dizaine d’albums en solo et avec les Atlas Mountain, le voilà en Une d’une flopée de magazines : Magic, Tsugi et Les Inrockuptibles en tête. Pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi maintenant ? Peut-être parce qu’en s’affirmant enfin, le jeune homme vient d’écrire l’un des chapitres les plus convaincants de son parcours. S’il n’est certainement pas le chef d’oeuvre dont certains ont parlé, l’album a au moins le mérite de soutenir une vision claire de l’écriture pop.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, Frànçois et ses Atlas Mountains sont devenus bankable. Ils trouvent un terrain d’entente entre aspirations électroniques et arrangements venus des quatre coins du monde. Si cela semble suffisant pour les uns, les autres y trouveront-ils le même intérêt ? Parce qu’ici, pas de Jacques Brel ressuscité à la sauce électro, ni volonté « d’enculer le BLIZZARD » ou un quelconque autre concept sociologique fumeux : Piano Ombre n’est pas vraiment plongé dans le réél.

« Heureusement qu’il y a la musique magique, l’amour a déçu ». C’est avec ces mots qu’on entame le second couplet de « Bois », qui ouvre ce nouvel album. D’entrée, Piano Ombre enfonce le clou d’une poésie, à la fois pop et moderne, que Frànçois Marry défend depuis 2006, avec The People To Forget (son premier album en compagnie des Atlas Mountains). C’est derrière elle que le bonhomme se cache. Le rôle de chanteur, qui implique souvent de s’imposer en tant que leader et de poser des règles, ne lui corresponde pas tout à fait. Frànçois Marry s’avère en fait être plutôt du genre confident effacé, voire trublion discret qui se révèle parfois (avec le tube « La Vérité », et ses claviers sautillants, notamment).

Le plus grand danger chez Frànçois & The Atlas Mountains a toujours été de ne pas parler au plus grand nombre. Par choix, mais aussi parce que Frànçois Marry n’a jamais réussi à se défaire de cette fragilité qu’on croirait par moments maladive (ce sont les disques qui le disent, pas nous). Plaine Inondable et E Volo Love sont d’ailleurs assez symptomatiques, dans le sens où la lourdeur du propos pouvait finir par peser. Mais Piano Ombre se montre plus empathique, « La Vie Dure » reste le seul écart propre aux accents passés.

La production, sur laquelle a travaillé Ash Workman (ingé son chez Metronomy) y est forcément pour quelque chose. De ce strict point de vue, il n’y a d’ailleurs rien à redire : de la légèreté du piano sur « La fille aux cheveux de soie », pure pop song qui fige le temps en un peu moins de quatre minutes, à celle des guitares de « Réveil Inconnu », l’alchimie est parfaite. Plus ouvert, Piano Ombre apaise, tant par cette innocence enfin assumée que par ce caractère décomplexé qui permet à Frànçois d’aller et venir d’une humeur à l’autre. Si l’album est moins africanisé que E Volo Love, différentes influences continuent pourtant de se mélanger sans complexe (« Fancy Foresight »). La confiance partagée avec The Atlas Mountains, qui habillent avec justesse la mélancolie de leur meneur, fait de Piano Ombre la pierre qui manquait peut-être à l’édifice que constitue la carrière du groupe.

Après les succès récents de Stromae ou de Fauve, on était en droit de se demander qui pourrait bien reprendre le flambeau. Toutes proportions gardées… quoique : comment envisager une telle reconnaissance pour un mec qui a toujours préféré attendre son tour plutôt que forcer le destin ? Même en étant le premier français à signer chez Domino Records (label d’Arctic Monkeys, Anna Calvi ou Franz Ferdinand) en 2011, Frànçois Marry n’avait pas réussi à faire couler autant d’encre qu’aujourd’hui. En cause : des chansons inclassables et un tantinet trop perso, que le grand public n’a jamais réussi à pénétrer. Et peut-être, aussi, une histoire d’alignement des planètes. La pop, quoi.

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