Chroniques

Doldrums Lesser Evil

Bonjour, la Blolgothèque ayant déposé une main courante contre mes jeux de mots embarrassants et mes introductions en forme d’accouchement sans péridurale, je suis contraint pour le moment, et cela me coûte énormément, d’entamer cette chronique avec la plus grande des sobriétés. Et puis tant pis, je prends le risque de l’arrestation : Doldrums est de la race des mages noirs. Comme Voldemort ? Oui, comme Voldemort. D’ailleurs, il aurait dû opter pour le sobriquet de Doldrumort plutôt que Doldrums. Parce qu’il est de sang-mêlé comme celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom, à la fois sorcier et moldu. Ensuite parce que selon mes calculs : Doldrums – drs = moldu. Me voilà délesté d’une blague en moins, je me sens beaucoup mieux. Passons maintenant à des considérations plus sérieuses.

En mai dernier, Doldrums ouvrait le concert de sa pote gobeuse d’acides Grimes à la Flèche d’Or. Si je me souviens assez bien de la prestation sous Jack Daniel’s de Claire Boucher (elle buvait du whisky, appuyait sur des boutons et invitait le public à envahir la scène toutes les 5 minutes pour le plus grand plaisir de la sécurité), il ne me reste que des flashs brumeux de la première partie d’Airick Woodhead alias Doldrums. Dans la salle, l’ensemble de l’assistance, moi compris, étions comme deux ronds de flan : de quel cirque infernal et bruyant s’est échappé ce clochard lunaire, visage couvert par un T-shirt, qui gesticule comme un Joseph Merrick sous LSD et balance des incantations insaisissables, d’épouvante et éprouvantes ? D’un cirque canadien aux coutumes DIY partagées par Grimes donc, mais aussi par Purity Ring.

Timbré, Eric Woodhead l’est assurément du haut de ses vingt-deux hivers et sûrement plus que ses congénères. Alors, quand en prime, le type est un hyperactif au dernier degré au point de créer des groupes apocryphes et des sites Internet qui vont avec pour passer le temps, la folie du bougre ne peut que tutoyer des sommets de création et de bizarrerie rarement atteints. Jusque-là, Doldrums comptait deux EP à son actif. Les très prometteurs Empire Sound (2011) et Egypt EP (2012), premières fondations de sa pyramide diabolique, de son antre de la folie géniale que constitue son premier album, Lesser Evil.

Lesser Evil est le missel d’un prêtre qui aurait violé au dessus d’un nid de coucou, d’un sorcier épileptique qui aurait emprunté les manettes magiques d’Animal Collective et concocterait ses potions dans les chaudrons de Grimes. Des synthés nihilistes empilés comme des carcasses de chevaux morts, des blips nauséeux et une voix androgyne qui accouchent de mélodies maltraitées, fracturées comme des os, puis opérées sans anesthésie locale. Mais il y en a pour tous les goûts : les oreilles sensibles et les claustrophobes succomberont aux instants pop que sont « Anomaly » (qui fait la nique au dernier album de My Bloody Valentine), la ritournelle sucrée « Sunrise », l’éthéré « Holograpic Sandcastle », la scie dance « Egypt », le slow grinçant et bancal « Paint It Black »… Les plus téméraires se laisseront percer par la foreuse « She Is The Wave » où un dentiste sadique attaque une carie tout en lançant des lasers avec son pénis (, celle-la est pour toi). Dans le genre, le morceau éponyme « Lesser Evil » et son motto addictif fait office de bombe de lithium qui explose au visage des plus imprudents tout en leur donnant, au choix, envie de sauter dans tous les coins ou de se faire sauter la cervelle. En somme, vous avez là la BO idoine pour faire l’amour avec Marcela Iacub et pourquoi pas un enfant mi-homme mi-démon que vous lui laisserez élever seule.

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