Chroniques

Daniel Avery Drone Logic

Avec son réservoir d’hymnes électro et de remixes croustillants et novateurs, Erol Alkan est une source d’inspiration inépuisable. Depuis 1997, et la création du Trash Club (qui a accueilli en avant-première les concerts de Peaches, Klaxons, Crystal Castles, Bloc Party ou encore de James Murphy et son LCD SoundSystem), l’anglais n’a cessé d’influencer les nouvelles générations, que ce soit en tant que producteur ou en tant que musicien. Une influence que l’on retrouve directement chez Daniel Avery, petit oiseau de nuit natif de Bournemouth (une station côtière du sud de l’Angleterre) qu’il a signé sur son label Phantasy Sound et dont les productions et dj-sets sont presque aussi attendus que les mises à jour de GTV 5 Online (un de ces titres, « Naive Reception », a d’ailleurs été sélectionné par Soulwax pour figurer sur la radio du duo belge dans le blockbuster vidéoludique de Rockstar).

Si notre époque est obnubilée par les paillettes des années 80 – un peu de New Order par-ci, beaucoup de Georgio Moroder par-là -, rappelons que les musiques électroniques anglaises ont connu leur apogée dans les années 90, avec entre autres LFO, 808 State, The Chemical Brothers, Underworld. Autant d’artistes auxquels rend hommage ce premier album sans pour autant s’enfermer dans une quelconque nostalgie. Il serait donc un peu idiot de s’attendre ici à une relecture fidèle des meilleurs travaux d’Erol Alkan : ce qui intéresse Daniel Avery, c’est ce mélange entre l’acid-house, l’ambiant et la techno, ces compositions sans compromis où il peut laisser libre cours à son imaginaire fantasque et à ses expérimentations minimalistes.

À vrai dire, les douze morceaux que contient Drone Logic ne sont que la suite logique des remixes réalisés par cet ancien résident de la Fabric depuis quelques années pour , Michael Mayer, , ou encore (pas les plus manchots, donc). On retrouve ainsi, sur des titres comme « These Nights Never End » ou « Naive Response », un goût prononcé pour les plages répétitives, les beats dark, les étirements illuminés et les nappes hypnotiques de la TB-303. L’album s’ouvre d’ailleurs sur un chef-d’œuvre de production futuriste (« Warm Up »), qui se prolonge en une éblouissante odyssée de plus de huit minutes, peu riche en rebondissements mais fascinante de précision et de noirceur. La B.O parfaite de Gravity ? Nous sommes parfois pas loin de le penser.

Difficile en effet de ne pas faire le lien entre le premier album du petit protégé d’Andrew Weatherall (oui, parce qu’Erol Alkan ce n’était pas suffisant) et le nouveau blockbuster d’Alfonso Cuarón. D’abord, parce que les deux œuvres s’affranchissent volontiers des codes actuels de leur genre respectif, plongeant auditeurs et spectateurs dans une atmosphère ô combien viscérale et suave. Et puis parce que dans les deux cas, on plane grave. Il suffit pour cela d’écouter la montée en tension de « Drone Logic » ou encore la mélodie répétitive de « Platform Zero » pour s’en convaincre : tordu mais tout aussi tordant, Drone Logic dessine un paysage électrique et envoûtant, en dehors de toute notion temporelle. Sans pour autant oublier le dancefloor, que des titres comme « Free Floating », « Need Electric » ou « All I Need » transforment littéralement en une immense rave party pour transe chamanique.

Après tant de tubes indociles lâchés à destination de la piste de danse, Daniel Avery opère alors une bascule très inspirée vers la deep-house. On pense notamment au triptyque final (« Simulrec », « New Energy » et « Knowing We’ll Be Here ») conçu comme une lente descente à la mélancolie acide après tant de furia electro. L’anglais peut retourner tranquillement animer son émission hebdomadaire sur Rinse FM, il vient de réaliser l’un des meilleurs albums techno de 2013, nettement plus éclectique et maitrisé que bon nombre de productions actuelles.

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