Rappelez-vous de , deuxième EP de Chad Valley, sorti il y a un an : on y voit un ogre « Instagrassouillet », looké en hipster introverti et torturé prenant la pose du désespoir. Poids du monde dans son sac en toile jaune, trois poils roux sur son double menton, la main lasse sur la nuque et un regard de chat perdu plongé dans un sol herbeux, en pleine méditation sur le sens de la vie. Mais à quoi peut bien songer Chad Valley ? Peut-être pensait-il déjà à ce nouvel album, Young Hunger, et à la revanche qu’il prendrait sur tous ses camarades de collège qui lui ont mené la vie dure à Oxford. Ces petits merdeux pouvaient bien le surnommer « Caribbean Queen », Hugo Manuel savait qu’il finirait par réhabiliter Billy Ocean.
Désormais, Hugo Manuel a des potos et veut le faire savoir. Des potos musiciens en plus : pour son banquet électropop, il a convoqué le ban et l’arrière-ban de l’indie qui fait mouiller les shorts American Apparel des blogueurs. Dix morceaux (dont un interlude), six featuring de choix avec les noms propices à une explosion de views sur YouTube que sont Twin Shadow, El Perro Del Mar, Glasser, Totally Enormous Extinct Dinosaurs… Chad Valley est un ami tellement sympa qu’il laisse même les clés de la baraque vocale à la norvégienne Anne Lise Frøkedal sur le très planant « Fathering/Mothering » ; lui préfère s’affairer à la prod’, bidouiller ses synthés. Modeste et généreux ? Que nenni. Car même lorsqu’il n’y appose pas sa voix de fausset, son ombre de Pygmalion est omniprésente. Sur Young Hunger, on est chez lui alors pas question que ses invités fouillent dans les tiroirs, pillent sans autorisation son frigidaire, ne tirent pas la chasse, utilisent sa Babyliss en poils de sanglier ou lui piquent ses pantoufles. Ses invités sont des faire-valoir, ils sont là pour faire beau sur la cheminée et sur la pochette. Pas de bol, il arrive que parfois, vos convives vous volent la vedette. Comme sur « I Owe You This », tube lâché cet été. Chad Valley introduit la chanson en s’égosillant de son ténor geignard sur des synthétiseurs terriblement entraînants. Puis George Lewis Jr, aka Twin Shadow, déboule et déroule en souplesse, d’une voix chaude, nerveuse et qui, disons-le tout net, sent le sexe moite.
Mais pourquoi autant de duos ? Doit-on y voir un message adressé à ses anciens tortionnaires, du type : « J’ai des amis maintenant, vous ne m’emmerderez plus jamais :'( !!! » Soyons sérieux Chad, toi et tes copines, vous ne nous faites pas peur. Non, vous nous faites danser avec cette electropop des Baléares. Et c’est vrai tant pour les hipstouzes férues de vidéos YouTube à 98 views que les Ch’tis à Mykonos ou Ibiza.
En se cachant derrière cette faste collection de featuring, Chad Valley nous signifie surtout que ce qui prime, c’est bien le soin apporté à la production, au travail sur la voix et sur ses mélodies. Synthétiques, les mélodies, et bien plus sirupeuses que celles qu’on pouvait trouver sur Equatorial Ultravox, classé dans le pot-pourri chillwave, et qui ne manqueront pas d’écœurer les allergiques au kitsch.
On ne peut plus s’y tromper : il a bien grandi dans les années 90’s et s’est abondamment biberonné au sein vulgaire de son époque, celui des années 80’s également. La preuve avec « My Girl » et son clin d’œil espiègle à « Wannabe » des Spice Girls : « If you wanna be my girl / Then you gotta get with my friends ». Rebelote avec « Fall 4 U » (ft. Glasser) ou « Evening Surrender » (ft. El Perro Del Mar), posées sur des synthés planants et onctueusement ringards, qui sonnent comme des slows qu’on a entendu mille fois dans des surboums. Le tout transpire la purée Tears For Fears, ça dégouline comme du maquillage bon marché mais punaise, c’est quand même bien foutu.