Il en va parfois de la musique comme du football. Piège connu et passage obligé, le deuxième album ou la saison de la confirmation ont mené nombre de talents dans le mur. Musicalement, il y a différentes manières d’aborder ce passage important. Concentrons-nous cinq minutes sur le XXIe siècle. Il y a ceux qui ont choisi la sécurité, pompant la formule de leur première œuvre pour prendre des risques plus tard. Entrent ici les Strokes, Franz Ferdinand, Vampire Weekend ou encore The Streets. Il y a ceux qui se sont lamentablement gaufrés, à l’image des deuxièmes albums de CSS ou Sleigh Bells, successeurs de disques pourtant excellents. Et puis, il y a ceux qui se réinventent : MGMT ou encore John Grant, qui a cette année délaissé le folk pour des compositions électroniques.
C’est plutôt dans cette dernière catégorie que l’on rangera le deuxième essai d’Austra, trio devenu sextet. En 2011, Feel It Break se frayait un chemin droit dans nos cœurs, et posait le groupe de Toronto au rang de potentiels successeurs de The Knife. Compos aussi froides que bouillonnantes, chant au plus près de l’âme, si ce premier machin n’était pas parfait, il avait le mérite de poser des jalons qui donnaient clairement envie de voir la suite. Entre temps, on a pu déceler l’importance non pas, comme dans 95% des groupes, de la chanteuse Katie Stelmanis, mais de la batteuse Maya Postepski. En solo sous le sobriquet de Princess Century, ou en duo avec Robert Alfons sous l’étiquette Trust, Maya la belle imposait un talent éclatant et prometteur. L’album de Trust est sans doute l’un des plus sous-estimés de 2012, et on regrettera qu’elle ait quitté le groupe, faute de temps.
On le regrettera d’autant plus à l’écoute de cet Olympia. Car chez Austra, et c’est tout à leur honneur, on a donc décidé d’innover. Filiation The Knife toujours, et particulièrement le fameux « ». On parle ici de claviers qui convoquent un tropicalisme décomplexé, le feu sous la glace de textes qui chantent les amours déçus. Une écoute distraite donne l’impression d’un excellent disque. Mais lorsque l’on s’y plonge vraiment, nombre de morceaux peuvent alors devenir douloureux. « Painful Like », malgré un intéressant côté Simian Mobile Disco époque Temporary Pleasure, tourne vite à l’insipide. En cause : le chant de Katie Stelmanis. C’est tout le malheur de cet album. La jeune demoiselle dispose d’une voix avec une vraie personnalité (rappelant d’ailleurs, y’a pas d’mystère ma bonne dame, celle de Karin Dreijer Andersson, de Fever Ray), mais sa tendance à faire des vocalises comme une vulgaire candidate de la Star Ac’ tape rapidement sur les nerfs. Et lorsque comme ici, les chœurs s’y mettent aussi, l’ensemble sonne, il n’y a pas d’autre mot, disgracieux. Le constat est malheureusement le même sur nombre de titres, du pompier « Reconcile » (du sous-Woodkid, brrr) à l’inintéressant « Sleep », en passant par le soufflé au fromage de « Home ». L’apogée ? Les soixante-dix premières secondes de torture de « You Changed My Life ».
Austra n’est pas pour autant devenu une purge du jour au lendemain. Revenons à ce « You Changed My Life » : passée la première minute, le morceau prend une ampleur affolante et offre un krautrock qui va en s’aérant aux boucles qui vous percent le cerveau. L’ouverture « What We Done ? » est une belle réussite, quand « Fire » séduit par l’inquiétude teintée de légèreté qui s’en dégage, et « Annie (Oh Muse, You) » semble presque taillée pour les clubs, au moins pour les remixeurs les plus aventureux, avec son eurodance mâtinée de claviers eighties. Reste alors à se délecter de la douce mélancolie de l’excellent « We Become », de très loin le meilleur titre du disque. Non, tout n’est pas perdu pour les canadiens. Peut-être ont-ils trouvé, grâce à cet Olympia intrigant, leur propre voie. Il faudrait seulement veiller à soigner la grippe de Stelmanis d’ici le prochain album.