En plus de livrer d’inventifs albums poétiques et aériens, on va finir par croire que François Màrry, leader de ses Atlas Mountains, ne s’entoure que de petits surdoués de la mélodie. Après la dream-pop lyrique de Petit Fantôme l’année dernière et la pop colorée de Jaune (on pourrait également mentionner Archipel, mais son électro-folk laisse un peu plus perplexe), voilà que Gerard Black (l’écossais de la bande) vient confirmer les talents de chef d’orchestre de Màrry avec Babe, projet au sein duquel il est accompagné d’Amaury Ranger (Archipel, donc) de Thomas Ogden et de Michael Marshall, avec qui il collaborait déjà au sein de Findo Gask (une petite formation électro-pop de Glasgow active dans la deuxième moitié des années 2000). Les écossais respectent décidément bien l’amitié.
Fan du club de foot des Celtic Glasgow, Black est heureusement bien plus qu’un musicien interchangeable des Atlas Mountains : il y a, dans ses ritournelles à l’efficacité évidente, la mélancolie et la joie, l’exubérance et le lancinement, la sophistication et l’accessibilité nécessaires aux grandes œuvres pop. C’est d’ailleurs cette manière de faire de la pop, à la fois méticuleuse, ordonnée d’apparence mais s’autorisant des entrelacs rythmiques, qui fait la force de « », temps fort de Volery Flighty. Après ce fabuleux single éclaireur sorti en début d’année, l’album réussit à jouir d’une constance dans le doux plaisir qui ne redescend plus jusqu’à l’ultime « Bronco ». Chanson flamboyante, elle contient juste ce qu’il faut de n’importe quoi et de groove pour dynamiser une orchestration apprise chez les Talking Heads. Car Babe l’a bien compris, avoir la fear of music signifierait la mort de la pop.
Et des raisons de s’extasier, d’appuyer en boucle sur repeat de « Tilt » à « Bronco », on en trouve un paquet, à commencer par « Dot And Carry One ». Ce morceau témoigne d’un sens de l’écriture aiguisé et d’une redoutable habileté à mélanger les genres, les époques et les continents. « Aerialist », le titre suivant, pourrait être ainsi décrit comme la rencontre du lyrisme de Morrissey et des ballades hédonistes des Beach Boys, de la british-folk et des rythmes synthétiques, de l’Afrique et de Bruxelles (où le groupe est basé).
Il est en effet beaucoup question de nomadisme et d’éclectisme dans cet album, (malheureusement plombé un instant par les chœurs grossiers de Lauren Mayberry de Chvrches sur « Oft »). Et c’est justement ce qui rend Volery Flighty si intéressant. Car, sans prétendre livrer l’album de l’année, les quatre gus de Babe savent bien que la linéarité ne fait pas de bonnes œuvres pop, puisqu’elle empêche les structures libres, l’audace mélodique. Au risque de passer pour des bidouilleurs de fin de semaine, ils préfèrent saper les catégories et mettre en forme un enchevêtrement de sons plutôt fascinant. En plus des genres déjà évoqués, on s’étonne de déceler par instant d’agréables pointes de shoegaze, de funk ou de cold-wave, comme si la métropole rêvée de Babe gardait les portes de ses clubs et salles de concert ouvertes à la rue des éphémères passants. En témoignent « Grotto » et « Bx Betweenwhiles », deux tubes épousant parfaitement les diverses sensibilités du monde contemporain, dont l’attrait pour les niches est contrebalancé par l’universalité des arrangements de « Falling In The Apples ». Et pas la peine de vous décrire le second versant de l’album : n’importe qui devrait déjà être déjà tombé à mi-parcours sur au moins un coup de cœur, le poussant à découvrir ce qui se cache derrière la séduisante Babe.