Chroniques

Chad VanGaalen Shrink Dust

Chad Vangaalen est un drôle d’oiseau. Du genre difficile à capturer. Enfermé chez lui à Calgary au Canada, il passe le plus clair de son temps à dessiner des monstres, à bricoler des instruments et aime considérer que la musique n’est pour lui qu’un passe-temps un peu annexe. Pourtant, sous des pseudos variables, ce Daniel Johnston du futur a déjà sorti un bon paquet de disques, parfois sur de simples CD-R illustrés à la main. Son dernier album, Diaper Island (« l’ile des couches-culottes »), datait d’il y a déjà trois ans et à en croire la baisse soudaine de son rythme de production, on aurait aisément pu penser qu’il s’agissait là d’un disque d’adieu. D’autant plus que le canadien, père de deux filles, semblait désormais considérer la musique comme un simple hochet, un moyen parmi d’autres de jouer avec ses jeunes enfants via un duo de punk hardcore improvisé, Crocodile Teeth & The Snugglers, et un groupe de techno du nom de Banana Bread. Heureusement, Chad Vangaalen vient finalement de sortir de son hibernation paternelle et de son autisme artistique avec dans les bagages ce surprenant Shrink Dust.

Dès l’ouverture « Cut Off My Hands », on comprend que le repos familial n’a en rien terni l’imagination foisonnante du musicien-dessinateur, de même que sa tendance à l’onirisme délicat. Sur les arpèges d’une guitare folk, le barde pose d’abord un paysage mélodique apaisé que vient finalement parasiter un son synthétique semblable au bruissement d’un troupeau d’oies sauvages. De manière générale, Shrink Dust est un disque qui se transforme au fil des morceaux, basculant sans hésiter d’un folk étrange à un garage-rock débraillé (« Leaning On Bells ») ou à des incantations mystiques troublantes (« Weird Love »). Tout au long de l’écoute se succèdent donc bon nombre de métamorphoses stylistiques, comme autant de changements de climats, de températures et de lumières sur un même paysage. Plus que jamais, on peut parler ici de musique mutante. D’autant plus que l’artwork de ce cinquième disque solo du Canadien renvoie lui aussi à la thématique de la transformation en présentant une femme évoluant progressivement vers le monstre (« I’m a Monster » chante Chad Vangaalen tel un possédé en plein milieu de l’album).

Composé en partie comme la bande originale de Translated Log of Inhabitants, le film d’animation sur lequel il a travaillé pendant deux ans, cet album prend donc assez logiquement des colorations sci-fi et des teintes que l’on croirait descendues d’une autre planète. Pourtant, Chad Vangaalen s’évertue à concevoir Shrink Dust comme un disque de country. La faute sans doute à l’utilisation récurrente d’une pedal steel guitar, instrument emblématique du genre que le Canadien s’est évertué à comprendre pendant un peu plus d’un an. D’un bout à l’autre du disque, les sanglots de slide unissent donc discrètement ces douze morceaux à tiroir et hantent Shrink Dust d’une présence fantomatique, comme par exemple sur le très beau « Weighed Sin ». Il n’en fallait pas plus pour donner à ce disque déjà possédé les teintes d’un autre monde, quelque part entre les forêts du Canada, les paysages pastel sortis de son imagination et le royaume des monstres.

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