Posons les choses simplement : Caramel n’est pas un album que l’on pitche, mais une œuvre qui donne à penser, qui questionne et interroge. Témoignant d’une maîtrise impressionnante, d’une conscience de chaque détail, Connan Mockasin trouve ici un écrin idéal pour son goût des contrastes et des mélodies enchanteresses. Et pour cause, avec sa présence quasi fantomatique et son romantisme – les chansons semblent toutes chanter la baise et les postures de playboy -, Connan n’a rien d’un barbare (pardon, on jure solennellement de ne jamais la refaire). C’est un doux rêveur, un gars tranquille qui vit à l’écart du monde et de ses contingences. Un mec à la coule qui veut juste faire ce qui lui chante. Une bonhomie confortable et insouciante que l’on retrouve forcément dans Caramel tant elle semble influencer les différents travaux menés depuis quelques années par Connan Mockasin – y compris ses compositions pour Charlotte Gainsbourg. Enregistré en un mois dans une chambre d’hôtel au Japon, Caramel sonne ainsi comme un voyage onirique, surréaliste, dans lequel on retrouve la passion du néo-zélandais pour la poésie baroque des films de Miyazaki, les images fantasmagoriques et la folie créative digne des plus belles heures de Syd Barrett.
Un peu comme Forever Dolphin Love, diront certains. Et c’est bien ça : Caramel forme avec le premier album un diptyque réjouissant. La logique est la même : partir d’une mélodie pop, presque anodine, et l’étirer, la prolonger indéfiniment jusqu’à basculer dans l’expérimentation et laisser jaillir la sensualité latente de ces arabesques instrumentales. Sauf que Caramel est encore meilleur. Non content de fondre en un même flux pop stellaire et bossa-nova psychédélique, orchestrations cinématographiques et songwriting morbide, Connan Mockasin n’en oublie pas de composer ses morceaux avec épaisseur et précision. Le meilleur exemple en est « I’m The Man, That Will Find You » et son bric-à-brac de sons distordus, de voix trafiquée, de synthés flottants et de guitares aériennes.
Flottants et aériens, le reste des morceaux le sont tout autant, « Why Are You Crying » et « It’s Your Body Part.1 » diffusant eux aussi d’enivrantes vapeurs psychédéliques de substances inconnues. Porté de bout en bout par d’étranges mélodies pop, Caramel n’en ménage pas moins des instants de pure expérimentation, comme ce titre éponyme langoureux où une guitare lancinante fait du frotti-frotta avec des bruitages abscons – sa vision de l’orgasme ? Et même si certains oseront peut-être lui reprocher une trop grande coquetterie, Connan réussit là à concilier universalité mélodique et expériences auditives, et signe au passage une des plus jolies – et libres – ballades de ces dernières années avec « I Wanna Roll With You », un titre porté par une orchestration en dentelle qui sonne déjà comme un classique.
Si on peut regretter une pochette kitsch au possible (Mike Brandt style), l’avenir de Connan Mockasin, lui, s’avère des plus prometteurs. Prometteur parce qu’on est certain que le troubadour n’a pas fini de nous surprendre, mais surtout parce qu’il vient de réaliser un deuxième album qui a le goût des œuvres que l’on rejoue inlassablement pour en saisir chaque nuance.