Histoire complexe que celle de Château Marmont. Le quatuor se révèle au monde en 2008 avec son premier EP, Solar Apex, un an après la vague de surcompression sonique et d’acouphènes provoquée par ces sagouins de Justice. Un bien bon disque que cet EP, comme un pendant plus reposant au duo mal rasé et au crew Ed Banger, alors au sommet de la hype. Mais parce qu’avec un blaze pareil on ne peut être qu’esthètes, les tarbais proposent une electro-pop bien moins agressive que leurs finalement lointains cousins. Belote en 2009 et rebelote en 2010, avec deux nouveaux EP soignés et prometteurs. Soit déjà quasiment un album complet.
Alors que l’on attend le premier long de la bande, ceux-ci ont en réalité déjà bouclé un album … mais pas le leur ! Sorti en mars 2010 sur leur label d’adoption Institubes (la quasi-totalité de la bande a d’ailleurs bossé dessus), Une enfant du siècle est le quatrième album studio de l’ex-idole adolescente Alizée. Plutôt (justement) bien accueilli par la critique, la chose fait un flop commercial. Et les Chateau Marmont de tomber aux oubliettes. Ils refont parler d’eux un an après la fin de l’aventure Institubes, disparu en mars 2011, en montant leur propre label, Chambre 404. Et encore un an plus tard, enfin, le premier album de la bande voit le jour. Et autant dire qu’il s’en est passé des choses au bout de trois longues années de silence (soit environ un siècle en temps Internet).
Déjà, la morphologie du groupe a changé : le quatuor est devenu trio après le départ de Angy Laperdrix, crédité malgré tout sur chaque titre du disque. Ce qui explique le virage artistique pris par le groupe ? Car sur The Maze, exit l’électro pure, place à la pop. 80’s et analogique, la pop. Car eux non plus ne se sont pas remis des BO de ce bon François de Roubaix (Chapi Chapo, tout ça tout ça). Et en bons fans de synthés vintages (on en compte plus d’une vingtaine sur le disque !), ils ont su se réapproprier ces années où Alizée était loin d’une ex-Lolita mariée à un Chatelain (l’horrible méchu Jérémy) qui cherchait l’avis de Chateau (Marmont). Et le résultat se révèle plutôt réussi. Déjà, les mecs se permettent de montrer à Phoenix ce qu’ils auraient dû faire, en lieu et place du médiocre Bankrupt ! : les morceaux « Wargames », « The Joey Song » ou « Wind Blows » sonnent comme les meilleurs titres des versaillais, poussant le vice jusqu’au chant rappelant furieusement une version au nez débouché de Thomas Mars.
Le reste de l’album sonne comme parfois du John Carpenter revisité et chanté par Daft Punk (« Tales From The Creek »), comme un trip jeanmicheljarresque (« The Maze » et l’INCROYABLE partie de saxophone d’un Etienne Jaumet jamais aussi sexy), une chasse à cour from outter space (« Receive and Follow ») ou, plus malheureusement, comme un produit Kitsuné circa 2009 (« Exposition »).
Tout ça pour que les zigs nous foutent en l’air sur la fin de l’album. « Affaire Classée », sublimement chantée par Alka Balbir, fille de l’horrible , nous colle des frissons amoureux, et nous rappelle que grâce à Gainsbourg, il fut un temps où l’on pouvait (bon, choper Adjani maintenant, d’un autre côté…). S’ensuivent les trois derniers morceaux du disque, sous-titrés « Colonization ». Trois titres au terme desquels on ne répond plus de rien, partis dans un trip interstellaire en compagnie d’une bande de geeks trentenaires qui nous ont pris par la main, pour nous montrer notre futur. Et le leur, par la même occasion. La preuve définitive et courageuse que l’on peut se remettre en selle après Alizée. Et c’est toujours ça que Jérémy Chatelain n’aura pas.