Chroniques

ceo Wonderland

Accros que nous sommes au Web, bouffant chaque jour du single par poignées, il apparaît comme une évidence qu’en matière de pop à synthés, l’Australie (The Khanz, Strange Talk, Convaire…) et la Suède se détachent nettement du lot. Certes, pas encore de grand nom populaire, pas encore de tube intemporel, même pas nécessairement ce que l’on pourrait appeler une « scène ». Juste quelques mini tubes disséminés ici et là. Il faut creuser, il faut chercher. Et, concernant le royaume de Suède, on retombe souvent sur un seul et même nom : Eric Berglund. Moitié du duo The Tough Alliance (trois albums et puis s’en vont) et aujourd’hui, en solo, auteur d’un deuxième album coloré, pop, mielleux, touchant.

Premier constat : l’homme a le bon goût de faire court. Parce qu’une surdose de titres cache souvent le vide cruel, que le quantitatif n’a que rarement été l’ami du qualitatif, ici, on va droit au but. Huit titres, pas un de plus. Et point d’envolées prog ici, on reste en territoire pop. La force de ceo, ce sont les mélodies. Des « ho ho ho » légers, enjoués, qui donnent envie de prendre son voisin par la main, d’embrasser sa voisine, de gambader à poil. On s’emballe peut-être, mais la musique de ceo est justement la musique de cette joie passagère, futile mais indispensable. Parfois, il ne s’agit d’ailleurs que de cela. Pas de paroles, juste de longues plages d’onomatopées (« In A Bubble On A Stream »). Pas besoin de plus pour faire passer ses sentiments. Car, à l’image de la pochette, tout ici est terriblement pop. Dans tout ce que la pop a de plus beau, de plus essentiel. Merveille parmi les merveilles: le single « Wonderland », qui donne son titre à l’album. Des enfants, des synthés terriblement cheesy, un refrain chorale. Le tout, bien loin de ressembler à une pâle compos « de hipster » selon , n’est pas loin d’imposer Eric Berglund comme l’un des plus grands songwriters pop de notre époque. Pas moins.

Alors oui, parfois, on se croirait dans La Boum (« jUjU »), et l’on pourra pointer du doigt, comme cela fut fait avec le dernier album de Passion Pit, un trop plein de bons sentiments. Des mélodies trop faciles pour êtres sincères. Une certaine paresse ? Loin de là. Il faut du culot et du talent pour composer la chanson la plus évidente, celle que l’on pense connaître déjà par cœur avant même de l’avoir entendue. Propre dans la production, ce Wonderland est un grand album. Un album qui rend heureux. Moins prétentieux qu’un Arcade Fire, plus doué que la majeure partie de ses contemporains, ceo signe, discrètement, la première grande oeuvre de cette année 2014. De « Whorehouse » à la conclusion « OMG », le voyage est poétique, beau. Ce deuxième album est à la musique ce que le film L’Odyssée de Pi est au cinéma. Une merveille qui se contemple plus qu’elle ne se décrit. 

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