Chroniques

Carla Bruni Little French Songs

Écrivons-le tout de go : un album de cette eau, de cette trempe, il y en a trois voire quatre par siècle. Le XXe a eu Blonde on Blonde de Bob Dylan, Let It Bleed des Rolling Stones, Hot Rats de Frank Zappa et Ça ne tient pas debout de Michel Berger. En ce 21e siècle, rien de transcendant à se mettre sous la dent… Jusqu’à ce majestueux Little French Songs, le quatrième album solo de Carla Bruni, qui redore l’emblème de la chanson française.

« 10/10, vous vous moquez de nous ? » s’offusquent les aficionados de la Blolgothèque. Hé bien non. D’ailleurs, sachez que la note attribuée aurait sûrement été supérieure si nous avions vraiment écouté l’album. Et que l’on ne me soupçonne pas de copinage ou de promotion éhontée : je suis le seul terrien célèbre à ne pas avoir -pour l’instant- couché avec Carla Bruni.

Entrons dans le vif du sujet. Si Carla Bruni était morte à 26 ans, cette hippie-noble du 7e arrondissement, poétesse torturée, maudite & Chandon, aurait pu former un club avec Nick Drake (pour ça, il aurait fallu qu’elle traîne un peu plus « Chez Keith et Anita »). Surtout que les deux ont en commun ce même romantisme noir qu’on retrouve sur les onze titres en coton-folk de Little French Songs, portés par des arrangements dépouillés façon Nico, voire Syd Barrett, un jeu de guitare à la Eric Clapton et un songwriting brillant, entre Renaud et Leonard Cohen. Pourtant, quand on lui demande de détailler sa discographie, de nous révéler ses influences, on en reste coi. « J’aime beaucoup Skrillex… Skrillex et la chanson « Gangnam Style ». Difficile à croire en écoutant « Prière », chanson à la sauce thaumaturge qui guérit les écrouelles, où perce clairement la plume Born Again d’un Bob Dylan : « Je prie sans dieu, sans foi, sans paradis, sans croix ». Et comme il n’y a pas de hasard, ce titre mystique a été co-écrit par son grand ami Julien Clerc, du latin ecclésiastique clericus.

Il y a un temps pour la rédemption et un temps pour enfiler les gants de boxe. Carla ne se fait pas prier et distribue les directs du droit, des droites fortes, sur plusieurs morceaux politiquement engagés. Sur « Le pingouin », elle clashe ouvertement MC François Hollande. « Je n’ai pas trop envie de m’étendre sur ce beef mais son manque de civilité lors de la passation de pouvoir me reste en travers de la gorge, confie Carla Bruni. Ce clash était une façon de régler mes comptes avec lui sans en venir aux mains, sans sortir l’AKA-47. Pour la petite histoire, au départ, la chanson s’appelait « La Fouine ». Mais quand j’ai eu vent du clash entre Booba et le sosie arabe de Snoop Dogg, je ne voulais pas que le public croie que je m’en prenais à La Fouine alors que Booba l’avait déjà salement niqué, lol ».

Mais pourquoi un pingouin ? Ces oiseaux étant depuis peu connus pour leurs mœurs légères (l’homosexualité est acceptée, tout comme les tournantes et la nécrophilie), est-ce une façon de prendre position contre le mariage pour tous ? « Non, non, je suis simplement une grande fan de Batman » concède-t-elle. Carla attaque mais elle sait aussi défendre. Sur « Mon Raymond », morceau dédié à Nicolas Sarkozy, elle vole au secours de son mari : « Quoiqu’en dise les bouffons / Mon Raymond c’est d’la dynamite », tout en prenant le risque d’attirer l’attention de l’Hadopi, alors qu’il vient à peine d’être mis en examen dans le cadre de l’affaire Bettencourt, en avouant que « Bien qu’il porte une cravate / Mon Raymond est un pirate. » Carla Bruni insinue-t-elle que son Raymond téléchargera illégalement son album sur Vuze ? « Oui et cela ne me dérange pas, au contraire, nous confie-t-elle. J’ai toujours aimé les bad boys (rires) » Il se dit même que si Nicolas Sarkozy finissait par être condamné, Carla Bruni songerait à reprendre At San Quentin de Johnny Cash en live de Fleury-Mérogis… Vivement son cinquième album.

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