Que reste-t-il à écrire sur Bruce Springsteen ? Rien, ou si peu. Si vous n’avez pas encore lu signée Peter Ames Carlin et préfacée par Antoine de Caunes, commencez par là. Tout y est. Les débuts, forcément difficiles. Les conflits internes de l’E Street Band, l’ego, la démesure, les tournées, la classe, l’activisme, le rock’n’roll… Bruce, c’est un condensé d’Amérique. Et un portrait différent à chaque album. Il la connaît, il l’aime la plupart du temps, mais cela ne l’empêche pas d’être, encore et toujours, en colère. Et d’utiliser sa force de frappe pour faire passer le message : les choses doivent (et parfois, peuvent) changer, ne perdez pas espoir. De Grandes Espérances. High Hopes. Tout est dans le titre.
De grandes attentes, nous en avions également. Parce que ce Bruce est d’une espère rare, un cas à part. Un mec qui tourne à longueur d’années, de décennies, qui ne s’arrête jamais (comme Dylan) mais continue de publier des albums originaux, et ce régulièrement, comme le ferait n’importe quelle jeune pousse (pas comme Dylan donc). Car Bruce, à l’inverse des Stones, de Bob ou des Who, a encore toute sa tête et son talent. Et, s’il pourrait tranquillement faire tourner la machine sans publier quoi que ce soit, là n’est pas son but. Le contestataire Bruce ne fait qu’un avec le musicien Springsteen. Il est le Boss, ne l’oublions pas.
Alors, naturellement, quand il se choisit une nouvelle muse en la personne de Tom Morello, on sourit, et on valide. L’ancien guitariste de Rage Against The Machine connaît son sujet. Sur l’album de reprises Renegades, RATM, encore fringuants, arrangeaient « » de Springsteen à leur sauce. Un morceau que l’on retrouve également ici, dans une nouvelle version. On peut également réentendre « ». L’une des plus belles chansons de Springsteen, composée en 2000 après le meurtre du jeune noir Amadou Diallo par la police de New York, après 41 coups de feu. Il y a deux ans, c’était le jeune Trayvon Martin qui subissait une tragédie similaire. Certaines choses ne changent jamais. Le Boss, lui, semble changer, légèrement. Une nouvelle tragédie, mais une seule et même chanson. Car High Hopes, ce n’est que ça. Des reprises, des raretés, des chutes de studios. Des vieilleries, en somme. Remises au goût du jour, certes. Et même si le catalogue a de la classe, le catalogue, on le connaît déjà.
« » est jouée sur scène depuis plus de dix ans (à ce sujet, allez voir Springsteen sur scène, n’ayez pas peur quand on vous dit que cela dure plus de trois heures, car il s’agit véritablement d’un choc, d’un véritable show, de quelque chose de bien plus grand que vous ne pourrez vous l’imaginer). « » est une reprise des Saints. « » une reprise de Suicide. Le problème n’est pas tant que nous connaissions ces chansons, pour la plupart, mais bien davantage le fait qu’elles sentent le renfermé. Tellement content de trouver en Morello son nouveau Steve Van Zandt, Bruce Springsteen finit par jammer, par s’amuser. Pour finalement livrer un album composé de bouts de choses, d’idées, d’envies. L’album d’un artiste qui n’a plus rien à prouver, certes. Mais qui, d’un seul coup, n’avait surtout plus rien à écrire. High Hopes, ou la récréation d’un Bruce Springsteen qui, finalement, se moque bien de tout cela. Dans deux ans, il fera semblant de remettre son titre en jeu, avec un nouvel album. Vraiment nouveau, espérons le.