Chroniques

The Black Angels Indigo Meadow

Ils étaient numéro un dans nos cœurs. Pour faire comme les Black Angels, votre serviteur a essayé de porter la casquette avec la barbe, la marinière avec les cheveux longs, et il a même demandé à une copine blonde de jouer de la batterie lors de ses jams de fumistes. Avec Passover, on a vraiment cru que le rock psyché retrouvait ses lettres de noblesses, des sonorités nouvelles, une harmonie parfaite des guitares, de la lenteur, un tout à la fois planant et intelligent. Directions to See a Ghost reprenait la même formule. Quant à Phosphene Dream, il bouclait la boucle avec des gimmicks rétro () et des structures plus classiques, tout en laissant entrevoir un bel avenir pour ce groupe.

Mais ça c’était avant le drame : un licenciement mal géré. Début 2012, Nate Ryan, second guitariste, se fait virer pour cause de divergences créatives. En soi, la perte ou le remplacement d’un membre n’est pas synonyme de problème, comme en témoigne l’histoire du rock, des Stones à Queens of the Stone Age en passant par les Brian Jonestown Massacre. Non, le problème vient d’ailleurs. La pochette d’Indigo Meadow, avec seulement quatre têtes, laisse supposer que personne n’a remplacé Ryan, que le groupe ferait sans. Dans les faits, c’est Rishi Dhir des lourdeaux d’Elephant Stone qui occupe le siège libre. Le type est plutôt bon musicien et sait tripoter le sitar, mais on n’imaginait pas un tel résultat.

Faisons un remake de Spinal Tap. Alex Maas : « Hey guys ! Maintenant que Nate est out, on va faire quoi ? ». Rishi : « On va mettre du sitar partout, s’habiller comme les Yardbirds, avec des col roulés sous la veste, et en concert, on fait monter un éléphant mécanique sur scène… » Christian Bland : « Non mec, j’ai une meilleure idée. On va faire des morceaux sixties, mais pour compenser la perte de l’harmonie des deux guitares, on va monter le son à 11 au lieu de 10. Non, mieux ! On va monter à 20 ! » Ah la belle idée. C’est presque choquant, une fois le disque en route. Tout est joué à fond, sans aucune subtilité. Le single « Don’t Play With Guns » en est le parfait exemple tant il est agressif. Mais on peut en dire autant pour deux bon tiers de l’album. On est loin de la parfaite délicatesse et la grâce des jeux de guitares qui faisaient la force de la bande d’Alex Maas, que ce soit fait tout en douceur comme sur ou tout en puissance comme sur . Non, sur Indigo Meadow, le groupe alterne entre les moments calmes et les moments où le son éclate aux oreilles sans prévenir, comme joué par des hard rockeurs balourds.

On peut pourtant citer comme exception « Holland », où le travail mélodique est tout simplement sublime, l’orgue est habilement mélangé à la rythmique. Ou encore « You’re Mine », vraie pépite de pop psyché. Mais pour le reste, on tombe dans la banalité. Si certains morceaux font plutôt penser aux stoners de Dead Meadow (« Evil Things »), la majorité des chansons pique, sans retenue et sans imagination, un peu partout dans le rock et la pop psyché des sixties. On pense notamment aux Yardbirds ou Country Joe And The Fish desquels l’orgue est clairement pompé sans finesse. Mais la majeure partie du temps, les sonorités sont trop grossières pour ne pas être remarquées. Tout cela manque simplement d’idées. On a plus l’impression d’écouter un best of des sixties qu’un véritable album des Black Angels. Et c’est bien triste de voir des types qui, sur trois albums, avaient pourtant réussi à aller de l’avant, à réinventer un genre qui regardait un peu trop vers le passé. Les hommages au passé ne font pas les grands morceaux. Les Black Angels en payent le prix aujourd’hui.

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