Chroniques

Atoms for Peace Amok

Mais bon sang, où est Flea ? On ne voudrait pas réduire l’intérêt de cet album à cette simple question, mais il faut dire que c’est l’interrogation qui revient le plus à l’écoute de cet album d’Atoms For Peace. L’équipe réunie pour ce projet, dont Flea fait donc partie, faisait baver pas mal de monde sur le papier. Enfin… surtout les fans de Radiohead, cette pointilleuse armada, puisqu’il est aujourd’hui devenu à la mode, non seulement de détester Thom Yorke et ses gémissements discographiques, mais aussi de développer des histoire d’expliquer pourquoi il faut le mépriser et ne pas aller le voir en concert.

Le line-up, donc, c’est Yorke associé à Nigel Godrich (étonnant ?) au batteur-pigiste Joey Waronker, et également à Flea, des Red Hot Chili Peppers. Cet assemblage de noms était même l’argument de vente de cet album : « le meilleur frontman de l’époque avec le meilleur bassiste de l’époque, chapeautés par le meilleur producteur de l’époque ». Et puis, autre élément à même d’aiguiser nos curiosités, c’était le fruit de la rencontre entre deux mondes : celui de Radiohead avec Yorke et Godrich, auparavant rock et tendant de plus en plus vers l’electro abstraite ; et celui de Flea, bassiste funk avec un fort potentiel jazz à développer. Même avec de l’imagination, on ne savait pas à quoi s’attendre. C’était un peu comme imaginer Eddie Van Halen faisant toutes les parties de guitares sur le prochain album de Sixto Rodriguez. L’addition des talents est étrange, mais après tout, pourquoi pas.

En réalité, et c’est peut-être ce qui est dommage présentement, le type qui arrivera à déceler la participation de Flea à cet album n’est pas encore né. Tout comme Flea qui sur chaque morceau semble ne pas être présent. Des basses et des lignes de basses, il y en a. Et encore, pas tout le temps… Par contre, il n’y a rien de funky, pas même un petit doigt qui dérape en slap sur une corde, ni même un touché jazzy. Toutes les rythmiques semblent synthétiques. Toutes, excepté peut-être la ligne de basse, discrète, de « Stuck Together Pieces ». Où est Flea ? Où est son apport ? Pourquoi avoir un tel bassiste à ses côtés si c’est pour ne pas l’exploiter ? En vrai, Amok est un petit plaisir collectif pour Yorke et sa bande. Les mecs s’amusent à créer des beats, faire du collage, composer dans une direction que seule cette formation leur permet, avec comme seule ligne directrice la volonté artistique de leur leader. Thom Yorke et son Orchestre. Pourquoi pas. Pour les amateurs, il faut le dire, Flea est un joli nom couché sur le livret, et fait probablement office de bon pour Thom Yorke.

On en vient à regretter l’absence de Colin Greenwood, car finalement, Amok, à quelques détails près, est un album de Radiohead. On est à mi-chemin entre le premier album solo de Yorke, The Eraser, et la continuité electro de The King Of Limbs. Les ambiances de « Reverse Running » et « Before Your Very Eyes… », notamment, rappellent « Feral » et « Morning Mr Magpie ». Si vous cherchez des tubes sur Amok, clairement, il n’y en a pas. Les singles, «  » et «  » sont les choses les moins excitantes de l’album. « Before Your Very Eyes… », « Dropped », et surtout « Reverse Running » sont en revanche de très bons morceaux, pleins de tension, avec des rythmiques électroniques prenantes et dansantes, mais n’ont aucun potentiel radio. Thom Yorke a déclaré vouloir faire danser les gens avec cet album et en un sens, c’est réussi, car Amok est traversé par une sorte de groove électro-psychédélique. Mais ne vous imaginez pas sur les dancefloors du Pacha ou du Camping des Cigales à Le Muy. On danse sur Atoms For Peace tout seul, dans son salon, le casque vissé sur le crâne et on pense à des images de fractales. Le bonheur.

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