Chroniques

Alba Lua Inner Seasons

Permanent Vacation, premier film de Jim Jarmusch –laborieusement financé par une bourse d’étude et un prêt automobile – mettait en scène Aloysius Parker, vagabond errant à travers les rues de New-York. « Permanent Vacation », c’est également le titre de la deuxième chanson d’Inner Seasons, premier aboutissement de la carrière d’Alba Lua. Tout comme Jim Jarmusch –qui a visiblement pas mal inspiré nos amis du jour – Alba Lua cherchent ici à lier musique et cinéma. De son côté, le réalisateur américain s’est distingué en convertissant nombre de musiciens en acteurs le temps d’un tournage. On pense à Screamin’ Jay Hawkins et Joe Strummer dans Mystery Train, ou encore à Tom Waits et John Lurie dans Down By Law. Passionnés par l’oeuvre des patrons de la musique pour images qui bougent, les bordelais d’Alba Lua retranscrivent ces influences diverses qui donnent tout son sens à ce premier album, entre une pop aérienne et d’évidentes appétences cinématographiques.

Formé en 2009 au pays d’Alain Juppé, les quatre garçons ont signé un premier EP intitulé Ballad Of Joseph Merrick l’année suivante. Encore une référence au septième art, versant lynchien cette fois-ci. Ils en avaient d’ailleurs profité pour se faire remarquer du côté des rédactions de Pitchfork et Vice US (mais chez nous, peau de zob, vous vous en doutez). Mais la première consécration pour intervient en mars dernier : Alba Lua étaient en effet programmés au Disneyland de l’indie-mais-pas-que, le SXSW d’Austin. Et à l’écoute d’Inner Seasons, on se dit que la chose n’était pas totalement injustifiée.

Alba Lua, c’est une pop légère portée par une voix androgyne à la Connan Mockasin, soutenue par des parties instrumentales plus recherchées et qui s’inscrivent, on vous a assez bassiné avec ça, dans une logique cinématographique. C’est clairement le pont qui unit deux dimensions a priori incompatibles. Ici, point de daube popisée à outrance : les mélodies de Clem Aptraum sont toujours délivrées en toute finesse. On se rapproche souvent de la jolie pop tranquille et vaporeuse des Américains de Real Estate, notamment sur « When I’m Roaming Free », premier single à avoir inondé la blogosphère avant la sortie de l’album, ou encore « Hermanos De La Lluvia ».

À la justesse du chant de Clem Alptraum se greffe celle des musiciens. Les guitares dégoulinent de reverb, alternent entre arpèges lancinants subtilement doublés de mélodies paresseuses (dans le bon sens du terme, comme ils disent dans le foot) avec une légère teinte surf music (ce petit delay qui fait tout son effet). Filmique, épisode 3 : à l’écoute de l’intro de « My Roots Were Just Fading », on se croirait presque au beau milieu de l’un des paysages lunaires de Dead Man– un autre chef d’œuvre de Jim Jarmusch, dont Neil Young avait par ailleurs signé la bande-originale.

Ça, c’est pour la première moitié de l’album. La seconde est d’un niveau clairement moindre : moins inspirée, trop pop, sans moelle mais avec bien trop de miel. Rien de très inventif ni d’original, en somme. Dommage que cet album introduit par des titres aussi géniaux que « Hermanos De La Lluvia » s’essouffle en cours de route pour finalement choir dans le quelconque. Il n’empêche qu’avec Inner Seasons et malgré une poignée de reproches, Alba Lua surnage dans le paysage folk actuel.

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