La découverte du type a commencé par un e-mail, le genre qui aurait pu se noyer dans la masse. Voyez plutôt : « Arrêtez avec vos Lescop et autres… Voici un putain d’artiste et français ! Enjoy et ayez des couilles ! ». D’un point de vue purement physiologique, la nature nous a fort heureusement tous doté des attributs susmentionnés, et d’un point de vue médical, tout fonctionne à plein régime, sauf les soirs de matchs quand d’un râle benêt nous tuons la libido de nos compagnes insensibles aux acrobaties footballistiques. Les conditions requises sont donc toutes bien présentes pour écouter et causer d’Alden Volney. Alors certes, tous les français du moment, les Lescop, Aline, La Femme, ou encore Granville, sont partout, sur toutes les lèvres et dans tous les médias, y compris chez vos serviteurs, mais ça ne veut pas pour autant dire qu’ils prennent la place des autres. Et cette place, ils vont désormais la partager avec Alden Volney.
Alden Volney, donc. Un inconnu au bataillon caché sous un nom d’emprunt. Pas vraiment d’infos pour vous éclairer sur sa personne. D’après ses photos, on vous dira seulement qu’il semble avoir la fin de vingtaine, début de trentaine, et un petit côté dandy à mi-chemin entre Pete Doherty et Louis Garrel. Sur son CV figure un EP non distribué et jusqu’ici, pas d’album (visiblement), mais de la réalisation de clips pour, entre autres, Bobby Womack et Villagers. Passons. Musicalement, pour vous dresser un rapide tableau : Alden Volney dans le paysage de la pop française actuelle, c’est comme un Zappa au milieu des Stones, Beatles et Doors dans les sixties. Des têtes de proue, auteurs de tubes qui font (ou ont fait) la gloire du rock et de la pop, mais chez Zappa comme Volney, on distingue un fossé entre leur monde, élaboré, pointu, écrit, fou, moins facilement accessible et ceux de leurs contemporains, plus populaires, libres et instantanés.
Avec ce Network And Parasites, Volney montre d’une part qu’il sait à peu près exploiter toutes les possibilités qu’offre la pop en mélangeant un peu tous les genres. À titre d’exemple, la pop folk est très bien maîtrisée sur « Golly ! Gee ! » et « The Leftovers Of Belief », avec en plus une voix assez nasillarde, étouffée, proche de celle de Connan Mockasin. On pense également à Radiohead en écoutant « Gianna », pour sa rythmique électro qui rappelle les grands moments de The King Of Limbs. Et puis, il y a une belle patte Gainsbourg, notamment sur « Agence France Presse » dont le gimmick est un clin d’œil direct aux ambiances de l’album L’homme à tête de chou. Tout est bien orchestré et bien pensé, ce qui, pour du fait maison tout seul et sans musiciens (excepté une partie de la prod et mixage signés Daroc), démontre un talent certain.
D’autre part, il est clair que l’on peut trouver dans son album tout un tas de références à la musique populaire de ces quarante dernières années, mais ce qui retient l’attention et fait toute la différence, c’est sa capacité à intégrer dans sa pop toute la force des compositions de musiques de films. Sa pop est clairement cinématographique. Elle rayonne d’ambiances proches des productions françaises, italiennes et franco-italiennes de la fin des années 60 et 70. Comme Ennio Morricone (hormis ses westerns), Serge Gainsbourg (dans sa version compositeur de musiques de films), Michel Colombier ou François de Roubaix, Alden Volney semble avoir pigé comment créer un « moment » musical, une composition qui crée une tension, qui habille et donne une teinte émotive à une scène de vie, qu’elle soit cinématographique ou réelle. C’est ce qui fait que « Gianna » n’est pas un pompage pur et simple de Radiohead, mais une référence au sein d’un tout bien plus grand, d’une composition bien plus puissante. C’est ce qui fait qu’Alden Volney est un tout petit peu plus qu’un simple nouvel arrivé dans la pop française. Lui ne tournera peut-être pas dans toute la France comme Aline ou Granville. Par contre, vous aurez probablement -on l’espère, plus de chance de trouver son nom dans un générique. Ce serait une folie de s’en priver.