Flow tendu, sourire métallisé par un appareil dentaire et silhouette adolescente, Ace Cosgrove n’a rien à voir avec les mastodontes tatoués qui gonflent généralement les charts du hip-hop US. Pourtant, le jeune kid du Maryland ne cache pas son admiration pour les bandits au verbe haut : « Quand j’étais plus jeune je voulais être comme le basketteur Allen Iverson, puis 50 Cent et Young Jeezy sont entrés dans ma vie ». Faute d’être devenu un bad boy, Ace Cosgrove s’est au moins transformé en un très bon rappeur dont les guns sont accrochés à son verbe plus qu’à sa ceinture.
À 22 ans, le MC vient de sortir une mixtape cinq titres , quelques morceaux sur , et semble un peu surpris quand il apprend qu’un site français s’intéresse à son rap. Pourtant, entre les 200 malheureux likes de sa et l’intrépidité d’un morceau comme « Righteous Views », le déséquilibre a de quoi surprendre. Pas vraiment habitué aux discours promo, il répond d’ailleurs aux questions avec modestie et spontanéité, ponctuant presque chacun de ses messages par un amusant « lol » : « Le rap, c’est ce qui m’évitera d’être malheureux quand j’aurai trente ans, que j’aurai un travail de 9 à 5 et un paquet d’enfants que j’arriverai tout juste à nourrir. Je dirais que c’est ce qui me motive le plus, lol. »
À l’heure où chacun brandit sa gagne et ses dollars souvent inventés, la simplicité d’Ace Cosgrove détonne : son rap ne s’embarrasse pas de guerres de chapelles ou de souci du détail historique. Bien qu’il se défende de toute admiration pour les années 90, sa musique renvoie souvent à l’âge d’or du hip-hop new-yorkais, emmêlant des instrumentaux épurés et parfois jazzy avec un flow aussi précis qu’agile. Mais si le parallèle avec Joey Badass est vite tissé, il serait pourtant réducteur de limiter Ace Cosgrove au style anachronique de son collègue de Brooklyn. Avec son collectif Hostile Youth (les MCs Uno Hype, Hassani Kwess, Vaunfe, le producteur-DJ Black Diamond et le vidéaste Criminal Priest) le rappeur du Maryland dessine un mélange de genres et d’époques comme seule sait le faire cette génération biberonnée au rap depuis la chaine hi-fi familiale.
Agrégeant des samples soul à des charlestons mitrailleuses, des intonations boom-bap à un enthousiasme new school, Ace Cosgrove est un rappeur synthétique. Et si son CV hip-hop doit encore être peaufiné, il annonce néanmoins le programme d’un MC de confiance qui vise l’expérience artistique plus que les conflits de sous-genres : « Ce qui compte c’est que l’auditeur et moi soyons tous les deux réunis comme pour une thérapie. Je veux que nous soyons là pour expulser nos émotions, que ce soit de la joie parce que je viens de rencontrer une fille extraordinaire, lol, ou de la tristesse parce que je viens de perdre mon job ». En tout cas, avec Simple Criticism, premier véritable projet prévu normalement « pour bientôt », le gosse du Maryland devrait enfin pouvoir commencer à tailler des costards à la concurrence plutôt que de tailler gentiment ses crayons dans son coin.