Metrapolis : anthologie du mariage entre hip-hop et science-fiction


15/10/2013 /

Matthieu Rostac

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Beastie Boys – « Intergalactic » (1998)
On ne va pas se mentir, les couplets du « tube » de l’album Hello Nasty, proches de l’egotrip, n’ont rien de futuriste. Mais quel refrain (Intergalactic Planetary/Planetary Intergalactic)… Et surtout quel clip! Les Beastie érigent un pont au-dessus du Pacifique et des poncifs du genre SF : film d’invasion cheap des 50’s d’un côté, film de kaïju tout aussi désargenté de l’autre. Le tout entrecoupé par les déambulations du trio, déguisés en agents nucléaires dans les couloirs du métro tokyoïte. Du WTF Japan avant l’heure.
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TTC feat. La Caution – « Pollutions » (2002)
TTC et La Caution signe avec ce « Pollutions » l’un des meilleurs morceaux de hip-hop SF que la France ait jamais enfanté (et non, on vous voit venir, il ne s’agit pas d’un sample d’ABBA). Un egotrip post-apocalyptique plein de déchets et de consumérisme aliénant. À noter que les deux groupes, sous le nom de L’Armée des 12, produit la même année le titre Hélium Liquide. L’un des tous premiers à utiliser l’autotune. Ce qui, en soit, est déjà une certaine idée du futur.
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Dr. Octagon – « Blue Flowers » (1996)
Derrière le personnage de Dr. Octagon, « un gynécologue extra-terrestre qui voyage dans le temps », se cache un quatuor qu’on croirait tout droit sorti d’un film dystopique : Kool Keith, son pote Kut MastaKurt, Dan the Automator et DJ Q-Bert. Le rappeur du Bronx pose son horrorcore scientifique sur une boucle de Bela Bartok, aux confins du film d’angoisse et du flying saucer movie. Quant aux scratchs de Q-Bert, ils sont toujours aussi stratosphériques. Et les fleurs sont bleues, donc.
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El-P – « Dead Disnee » (2002)
Chacun son délire en temps de troisième Guerre Mondiale approchante. El-P, lui, est du genre à observer cyniquement la chute de l’Empire américain : « Quand la ville brûlera, j’irai à Disney World ». Une façon, aussi, de dire qu’il est temps d’en finir de cette vie de marionnette manipulée par l’entertainment de Walt et consorts. Une lutte similaire à celle des automates du film d’anticipation Mondwest. El-P, Yul Brynner des temps modernes.
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Pete Miser – « Scent of a Robot » (2004)
Scent of a Robot ou l’histoire toute simple d’un homme qui se rend compte qu’il est un robot à la faveur d’un e-mail envoyé au mauvais destinataire. Certes, le morceau n’a rien de très méchant, plus proche de « mon copain le robot » que de I, Robot. Mais les turpitudes du cyborg floué de Miser font de suite penser à l’une des oeuvres maîtresses de Philip K. Dick, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques?. Soit Blade Runner, au cinéma. Un classique.
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Gravité Zéro – « Progéria Solaire » (2003)
Au milieu de l’album-concept Gravité Zéro, dont les titres sont tout autant de variantes contre-utopiques, Progéria Solaire tire son épingle du jeu, appuyé par son orgue apocalyptique. Capitales irradiées, spectacles de désolation, géante rouge en thermo-fusion : la Terre se meurt et James Delleck et Le Jouage s’affichent en spectateurs avertis du Jugement Dernier que viennent clôturer les scratchs bioniques de DJ Detect. Puissant.
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Afrika Bambaataa & the Soulsonic Force – « Planet Rock » (1982)
A l’orée des années 80, Bambaataa fait du hip-hop naissant un terrain de jeu incroyable pour la SF. Rien de très cosmique dans les lyrics mais l’on sait tous que le hip-hop est avant tout une affaire d’attitude. Le beatmaker Arthur Baker s’imprègne de Kraftwerk, des mecs bien plus dans le futur que quiconque à l’époque, et triture sa TR-808 jusqu’à sonner space-opéra. Herbie Hancock et son Rockit peuvent courir, Planet Rock est déjà à des années-lumière.
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MC 900 Ft. Jesus – « Spaceman » (1989)
En 1989, l’artiste classique Mark Griffin débarque sur la planète hip-hop avec un OVNI. Littéralement. L’homme se fait alors appeler MC 900 Foot Jesus et développe ses croyances ufologues dans l’album Hell with the Lid Off. L’apogée de cette galette? Le titre Spaceman dans lequel Griffin nous montre qu’il se considère comme un homme venu d’ailleurs. Un morceau hybride, entre spoken word, soul music et carnet de bord intergalactique. Prends ça, Babylon Zoo!
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Klub des Loosers feat. Cyanure – « Une Minute à l’écran » (2003)
Non content de jouer les cyborgs sur le titre No Futur de l’album-concept Gravité Zéro, le MC de Versailles a également rendu un hommage poignant, en compagnie de Cyanure, au personnage le plus pourri de la saga Star Wars. Non, pas Jar Jar Binks. Sorti sur l’EP La Femme de fer en 2003, Une minute à l’écran évoque le destin funeste de Greedo, le chasseur de primes à tête de ventouse dézingué par Han Solo dans la Cantina de Mos Eisley. Un gros délire de fanboy.
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Deltron 3030 – « 3030 » (2000)
3030, le titre-phare de l’album Deltron 3030, se savoure posément, telle la science-fiction des maîtres soviétiques Isaac Asimov et Stanislas Lem et leur pendant cinématographique Andreï Tarkovski. Le sample de l’Introit de l’opéra-rock Lux Aeterna de William Sheller, aussi épique que contemplatif, n’y est sans doute pas étranger. Un climax entre le hip-hop et la SF presque aussi beau que le final de 2001, l’Odyssée de l’espace.

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