St. Vincent, interview les crocs dans la pop

Depuis 2005, date à laquelle elle fait ses premières apparitions au sein des Polyphonic Spree et aux côtés de Sufjan Stevens, Annie Clark présente au journaliste et à l’auditeur l’un de ces C.V impossibles à inventer. Jusqu’ici, elle se fait appeler St. Vincent. On la connaît perpétuellement en recherche de mélodies nouvelles et d’un un vocabulaire neuf, singulier, le fruit d’une passion obsessionnelle pour l’enchevêtrement d’éléments sonores. C’est souvent réussi (Marry Me, Actor et Strange Mercy, ses trois albums solos sont d’une beauté rare) tout comme ça peut s’avérer bancal (Love This Giant, son projet avec David Byrne). Mais Clark a le mérite d’être toujours exigeante, de ne jamais céder le pas à la mélodie pompeuse. Une approche que la dame, de passage dans la capitale fin novembre, évoque ci-dessous. Entre deux petits mots sur sa mélancolie et sur sa collaboration avec David Byrne, bien sûr.

Pourquoi avoir nommé ce quatrième album St. Vincent. Tu le trouves plus autobiographique que tes précédentes productions ?

Ce n’est pas tellement la question. En réalité, c’est plus en rapport avec la biographie de Miles Davis, que je lisais dernièrement, et dans laquelle il dit que le mieux qu’un musicien puisse faire, c’est de jouer pour lui-même. J’ai donc essayé de composer cet album uniquement pour moi, qu’il me satisfasse pleinement. D’où ce nom.

Tu as pu y réaliser des choses que tu n’avais pas pu ou su faire avant ?

Oui, en quelque sorte. Pour ce nouvel album, je souhaitais vraiment quelque chose d’extravagant, plus à même de communiquer avec les auditeurs. Il n’y a pas grand-chose d’autre à y voir.

Dans le communiqué de presse, tu dis pourtant que tu souhaitais faire un album de fête, qu’on puisse jouer à des funérailles. Qu’est-ce que tu entends par là ?

(Elle sourit). Ce que cette phrase signifie, c’est qu’il s’agit ici d’un album où les gens peuvent danser. Les chansons sont assez groovy et sexy propice à ça, je trouve. Mais je pense qu’il est également très bon pour accompagner les personnes dans leurs moments les plus vulnérables.

C’est important pour toi de trouver cet équilibre entre noirceur et luminosité ?

Ce sont deux aspects qui coexistent en permanence chez moi. Je pense sincèrement que la joie extatique ne peut pas être ressentie si l’on ne connaît pas la mélancolie. On a besoin de l’un pour que l’autre prenne sens.

Justement, d’où vient cette mélancolie dans ton travail ?

Elle vient de tout ce qui m’entoure. De l’existence, en quelque sorte. C’est difficile à expliquer parce que ça sort comme ça. Mais je pense que le monde actuel y est pour beaucoupp. J’apprends énormément à chaque voyage, dans le fait de rencontrer différentes cultures. Chaque endroit peut générer un processus créatif intéressant. Même la scène. À vrai dire, je trouve toujours beaucoup d’inspiration lorsque je suis sur scène. Lorsque je joue également, cela a tendance à venir tout seul.

Est-ce pour cela que tes œuvres paraissent si cathartiques ?

Sans doute. Mais, en même temps, j’ai toujours trouvé très étrange le fait de livrer des propos très personnels dans les chansons. C’est que je fais bien sûr, mais c’est difficile à expliquer. D’un côté, ça me paraît nécessaire, mais d’un autre côté, c’est comme si on révélait des parties très intimes de soi à des inconnus.

Quand on regarde ta discographie, on remarque à quel point tu ne t’es jamais laissée enfermer dans un seul genre musical. Tu as peur de te répéter ?

Je n’ai pas peur de me répéter, tant de choses autour de moi sont restées les mêmes et demeurent encore aujourd’hui des inspirations. Personnellement, et sans vouloir paraître trop prétentieuse, je veux toucher le futur de la pop music, trouver de nouvelles vagues d’énergie.

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