GRANVILLE : « On voulait du soleil et de la chaleur, on en a fait de la musique »

On finit par bien les connaître, ces quatre caennais. Ils ont bien grandi depuis leur tout premier morceau, «  », et son faux clip. Une période d’apprentissage consacrée par la sortie de ce premier album, Les Voiles (notre chronique est disponible ici). Un peu comme The Drums avant eux, ce que raconte Granville, c’est ce fantasme de l’ailleurs et de l’hier, bref, d’un espace-temps remanié à grands coups de mélodies imparables. « Mon Hawaii à moi », comme ils disent sur le mini-tube irrésistible «  ». Autre élément qui les distingue : l’absence de barrières psychologiques liées au « bon goût » : pourquoi bouder son plaisir quand on fait partie d’une génération où l’on peut à la fois être considéré comme « crédible » et pleurer comme une indigne madeleine sur du Véronique Sanson ? Réponse avec Sofian El Gharrafi et Mélissa Dubourg, guitariste et chanteuse de Granville.

Sofian El Gharrafi : On a nos divergences, mais on se retrouve sur énormément de choses. Par exemple Arthur, notre batteur, est très ouvert au métal, mais aussi à la chanson française comme Souchon. Des trucs qu’on écouterait peut-être un peu moins. Quand Mélissa me fait écouter un groupe, elle vise immédiatement dans le mille, et c’est réciproque. On se connaît bien musicalement.

Justement, cette diversité dans les goûts, cette absence de barrières, c’est ce qui unit la plupart des groupes français qui émergent. Plus de frontières, plus de contraintes. Votre batteur en est l’exemple, s’il cite Pantera comme Chamfort dans ses influences.

Sofian : On envisage la musique comme un art global. C’est comme pour le cinéma : on est autant fan de La Nuit Des Morts Vivants que de Kill Bill, des Chansons d’amour d’Honoré que de Virgin Suicides. Dans la musique, c’est pareil. Jouer sur scène « Adolescent » avec un t-shirt Run DMC, ça ne nous choque pas. Je me souviens de la sortie de l’album de Britney Spears avec « Womanizer ». J’ai tout de suite adoré. Pareil pour l’album de Timberlake, Futuresex/Lovesounds. Nous sommes d’une génération qui, avec Internet, a accès à tout. On a des milliers de mp3, on ne pense plus en terme d’albums. « Time To Pretend » de MGMT et « The Look » de Metronomy, pour moi, ils sont sur le même disque, celui de mon iPod.

Vous vous souvenez du déclic ? Ce moment où vous vous êtes dits que la musique serait votre vie.

Mélissa Dubourg : On a tous eu le même déclic sur « Time To Pretend », clairement. Dès que je l’entendais dans un centre commercial, je me collais aux enceintes.

Sofian : ça a marqué un tournant dans notre culture musicale. Cette chanson nous a ouvert les portes de la scène new-yorkaise, de blogs comme Gorilla vs. Bear, Pitchfork… Un déclic d’affinage de culture musicale, un truc où on se sentait vraiment bien. Mais on a aussi appris en allant voir des concerts. Peu importe lequel d’ailleurs… Daft Punk à Bercy comme Sinsemilia, alors que je déteste ce groupe. Mais le simple fait de les voir sur scène, ça donne envie. Envie de montrer ce que tu sais faire, tes chansons, et d’être sur scène avec tes potes. On vient d’un territoire de festivals en plus.

Vos chansons sont faites pour le live. Les refrains sont faits pour être chantés en yaourt, c’est super mélodique.

Sofian : C’est fait de manière inconsciente, mais on est attaché à ce format pop, celui des Beatles, des Beach Boys. On a cette culture du single évident. Nos familles n’étaient pas très mélomanes, on a donc été bercé par la radio, les clips. Ces morceaux de trois minutes trente, ces gros refrains… Mais on commence à sortir de ça, entre autres grâce à MGMT justement. Mon père écoutait Cat Stevens, mais aussi Phil Collins. En solo, les trucs horribles. Bref…

C’est difficile, pour vous, de composer ? « Jersey », on a l’impression que c’est super simple par exemple.

Sofian : Je me suis réveillé avec le refrain du « Slow » dans la tête. Il n’y avait pas de paroles, juste la mélodie. Il y avait un ukulélé à côté de moi, donc le morceau est né dans la foulée. Quand un Président est élu, on dit qu’il a cent jours pour convaincre, et durant ces cent jours, c’est un peu l’état de grâce. Et bien au sein de Granville, on a eu cet état de grâce. Tout venait naturellement, nous étions bien ensemble. On composait dans notre salon, en gardant ça pour nous. Après, tout ce qui se passe autour du disque, la promo, tout ça, on n’y pense pas, il y a des gens pour y penser à notre place. Notre label nous fait confiance. On veut que le résultat nous plaise, et il nous plaît. Maintenant, on espère que ça plaira aux gens. En tout cas, j’ai l’impression que notre vision du projet est comprise. On part du principe que si tu es sincère, alors les gens te comprendront.

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