Iggy Pop, Bowie, Depeche Mode : vieillit-on mieux dans le rock ?

Non, le nouvel album d’Iggy & The Stooges boite sérieusement. Rien de nouveau après tout : depuis la fin des années 80, Iggy Pop n’est plus que l’ombre de lui-même, plus proche désormais d’un gentil petit caniche docile que du chien sulfureux qu’il souhaitait être à l’aube des seventies. Son dernier album, Ready To Die, est à cette image (même si les avis divergent clairement, au sein-même de la rédaction de DumDum) : ronflant, gras du bide (et dieu sait qu’il le montre) et faussement agressif. Bref, un catalogue de riffs aussi plats que l’électrocardiogramme d’une partie de ses vieux compères. Mais là où le titre de ce nouvel effort semble tristement prophétique, celui de Johnny Marr (The Messenger) fait plutôt dans le parjure. C’est donc vrai ce qu’on dit ? On serait vieux plus jeune et donc, pour plus longtemps ? À croire que oui : à cinquante ans, l’anglais, passé du romantisme des Smiths à l’insouciance rock de The Cribs, des intentions pré-house d’Electronic au rock débraillé de Modest Mouse, s’adonne désormais au rock sclérosé, aux mélodies ridées et aux refrains sans libido. Quelle triste fin d’époque.

Oui, The House Of Love et Depeche Mode sont des super-résistants. Là où Iggy Pop et son équipée sauvage momifiée creusent leurs tombes à coups de mornes compositions, les deux groupes anglais rappellent au contraire ce refrain de Julio Iglesias, à jamais immortalisé par Jacques Villeret dans Papy fait de la résistance : « Et toi non plus, tu n’as pas changé ». Bien leur en a pris. Car, parmi tous ces disques sans surprises, relégués dans les archives de l’histoire, les deux groupes anglais ont réussi un petit miracle : recréer ce frisson qu’on ressentait la première fois qu’on les a entendus. Que l’on évoque les pop-songs douchées de mélancolie des anciens poulains de Creation Records, House Of Love sur She Paints Words In Red ou le blues halluciné du Delta Machine de Depeche Mode, le constat est le même : le talent n’est donc pas toujours la victime du temps qui passe. La tisane du dimanche après-midi devant le canapé rouge de Michel Drucker, ce n’est donc pas pour tout de suite.

Oui, mais ça fait un peu rock à papa. À l’inverse de Johnny Marr, Iggy & The Stooges ou The House Of Love, voilà des années qu’on attendait le retour des quadras de Suede et, plus encore, de Bowie. Pourtant, à l’écoute de Bloodsports et The Next Day, leurs nouveaux albums respectifs, l’effet n’est pas forcément celui escompté : c’est beau, c’est électrique, c’est minutieux, mais cela méritait-il onze ans d’attente pour les premiers et dix ans pour le second ? Ben, pas vraiment en fait. S’ils restent bien entendu capables de composer de splendides mélodies, classieuses comme une vieille Rolls Royce, les deux cadors du rock anglais se contentent malgré tout de répéter des formules éculées par le passé (à 66 berges, peut-on vraiment en vouloir à Bowie ?). « Where Are We Now ? » se demande l’ex-Ziggy Stardust sur le premier single issu de The Next Day. Pas en maison de retraite, ça c’est sûr. Mais dans le portable de vieux schnocks qui pensent encore que le rock a disparu avec le bug de l’an 2000, c’est déjà plus probable.

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