Swaggman est-il le Lil Wayne français ?

Mercredi 3 octobre, début de soirée, Swaggman balance un tweet : « POPOPOSEYYY AVEC @nicoprat EN TRAIN DE SAVOUREYY UN PUTIN DE MOELLEUX AU CHOKOHATERZ ». Photo du « moelleux au chokohaterz » à l’appui. « Ce language, c’est mon invention », tranche Swaggy. « Posey. Equipey. Hey beybey. Quand j’étais pauvre et que je devais faire la plonge, on me disait toujours : ‘Ryan fais ci, Ryan fais ça’. Et je disais ‘okey, okey‘. Et c’est resté. C’est aussi pour avoir mon truc ».

Swaggman et moi-même sommes poseyy dans un restaurant chicos du quinzième arrondissement de Paris, le Dirigeable, choisi par notre homme. La table pépère des familles. La déco est sobre. Swaggy commande un gratin dauphinois. En attendant sa gamelle, il passe à confesse : « J’ai été très méfiant avec toi, j’ai fait mes recherches avant d’accepter l’interview. Je suis allé sur ton Facebook, j’ai vu ta tête. Pendant l’interview, mes deux gardes du corps guettent devant le restaurant. Je leur ai demandé de venir, pour être sûr que t’es un mec cool. Tout le monde n’est pas comme toi : certains veulent me mettre dans des coffres, juste parce que je gagne bien ma vie ».

Swaggman est rappeur et troll de profession. Son plus gros fail d’arme ? Avoir fait appel à l’épiphénomène Amandine du 38 (« 330 000 francs CFA ») pour un Watch The Throne à l’envers. En gros, Swaggman veut être une star du rap. Ce niçois monté à Paris est âgé de 22 ans bien rondelets. Son bouledogue s’appelle Swaggy 2. Normal. Il ne boit pas d’alcool. Il se dit multimillionnaire. « Ma série préférée, c’est Prison Break ». Et niveau bouquins, t’en es où ? « J’adore Agatha Christie, la Maison de ma Mère » (sic). C’est Marcel Pagnol, Le Château de ma Mère, non, Swaggy ? « Ouais, ouais. J’aime bien les 10 Petits Nègres aussi, mais ça c’est pas Agatha Christie (si, en fait, ndlr) ».

Pour les retardataires, la recette Swaggman en trois points :

  • irriter un minimum son entourage numérique (« Ces gens ne touchent même pas le Smic, et ils osent me critiquer. C’est pour ça que je leur dis ‘hey mec, moi je suis posey, et toi tu es puni’ »),

  • chercher vaguement la merde (« J’aime bien les bagarres. Surtout avec les grands et gros, quand ils tombent ça fait plus de bruit »)

  • gribouiller un plan de carrière (« Dès le début, si je fais de la merde, c’est pour que les gens critiquent, disent que je fais de la merde, puis sortir la vrai projet. Prendre le truc à l’envers »).

Pour soutenir l’explosion à venir de sa carrière, Ryan a modestement monté sa boîte : la Swaggman World Music Entertainment. Il fait des vidéos (et pas qu’avec Amandine, il brûle aussi des billets en direct). Il mixe, un peu : « J’ai mixé pour un grand client Saoudien, j’ai été payé 20.000 euros. J’avais jamais vu autant d’argent. À la base, petit DJ de Nice, je gagnais 50, 100 euros la soirée ».

Mais si Swaggman emploie des méthodes paranos d’agent du KGB, c’est que notre mec, au moins dans sa tête, est une célébrité (et aussi qu’il est un peu en liberté conditionnelle). « Quand je suis allé à la maison d’arrêt de Nanterre, j’étais dans un établissement VIP, entouré de flics et de ministres. Il y avait même des artistes. Bref, je me suis exposé. Avant je disais, ‘il vaut mieux être parano que derrière les barreaux‘. Maintenant je dis, ‘mieux vaut être parano que dans le coffre d’une Lambo ».

Au-delà du simple plaisir cochon qui consiste à se payer sa tête, le type nous intéresse. Swaggman, c’est l’incarnation des quinze minutes de gloire à la sauce YouTube et Twitter (près de 14,000 followers à ce jour). Le type ne reculera devant rien pour devenir connu : faire des featuring avec la lie de la culture Internet, quitte à se tirer une balle dans le pied, se créer un personnage doté d’un langage débile, et adopter un style bien à lui (son visage est entièrement tatoué, son crâne ressemble à un sac Louis Vuitton du bled). « Mon style, je suis le seul à le faire en France. C’est du Swaggy style. Je parle pas de keufs, pas de prison. Je parle des biatch, de voitures, d’argent. La frime totale. Je ne vais pas parler de Sarkozy. Je ne parle que du système monétaire en grossissant le trait ».

Swaggy, ce n’est pas qu’un pseudo révolté bizarre contre les dérives du capitalisme financier. Swaggman, c’est avant tout un mec blindax. Il revendique des appartements dans tout Paris. Leur prix est évidemment top secret : « Ils coûtent 4 ou 5 millions d’euros. Mais personne le sait. J’ai un appartement rue Balzac. Et un autre à South Beach en Floride ». À ses yeux, la France n’est pas prête pour lui : « Mon personnage est trop grand en France, trop arrogant, trop bling-bling. Ils me disent d’arrêter de sucer les américains. Ils ne savent pas que je suis d’origine brésilo-tunisienne, l’Amérique du Sud quoi ». Son truc à Swaggman, c’est l’Amérique. La classe, quoi. « Mais je suis trop bien vu là-bas ! Swaggman, the french rapper. J’ai ma ligne de vêtements, des boutiques qui marchent bien. Il ne faut pas voir que le personnage, je suis un businessman à la base ».

Ah, au fait : son premier album sort au mois de mars, et il nous promet « de gros featuring ». Mais pour l’instant, comme de bien entendu, il « ne peut pas dire avec qui ». 

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