La reformation de Neutral Milk Hotel, une bonne nouvelle ?

Oui, les chansons n’ont pas vieilli d’un poil. Qui peut écouter sérieusement In The Aeroplane Over The Sea et ne pas en ressortir changé ? Plus de quinze ans après la sortie de son album définitif, Neutral Milk Hotel a non seulement conservé son public, mais a glané de nouveaux fans (le facteur Internet et quelques critiques lors de la réédition de l’album en 2005 n’y sont pas non plus étrangers). Amazon l’a classé en deuxième position de sa liste des «  » et quant à Pitchfork, c’est à la quatrième place de son des années 90 que Aeroplane figure. Depuis que le pas cool est devenu le nouveau cool, cet album semble précurseur : relation ambiguë au sexe (on parle bien d’un garçon qui a écrit une chanson titrée «  », sur son premier album On Avery Island), univers pas sexy au premier abord et inspiré par l’histoire d’Anne Frank, cuivres omniprésents, paraboles multiples… On a bien essayé de grossir le trait (coucou The Decemberists), de faire plus pop et moins onirique (Clap Your Hands Say Yeah), mais rien d’aussi durable et marquant que Aeroplane n’a vu le jour depuis.

Non, ils risquent de tomber de leur piédestal. Alors que Neutral Milk Hotel possède un statut réellement culte, unique, du genre que peu de groupes peuvent revendiquer, on reste partagé devant de cette reformation pour quelques concerts (pour l’instant). S’il était si spécial, pourquoi Jeff Mangum cède-t-il comme tant d’autres à la tentation ultime de tout groupe un tant soit peu marquant ? Ceux qui ont pu assister aux concerts donnés au printemps dernier au Royaume-Uni, à Barcelone et à Porto, pourront en témoigner : le spectacle n’avait rien de bien folichon. L’expérience de ces morceaux en acoustique, avec un Jeff Mangum seul, assis face à son public (à qui l’on a interdit d’enregistrer l’événement, certains se sont d’ailleurs fait éjecter de l’auditorium de Primavera) n’a contenté que nostalgiques d’une époque qu’ils n’ont pas connue. Difficile de dire si ces concerts ont été donnés sous la contrainte, ou si Mangum, qui a pris grand soin d’éviter tout contact avec l’industrie musicale pendant plus de dix ans, avait réellement envie de remettre le couvert.

Oui, on pourra peut-être en savoir davantage sur Mangum. Jeff Mangum est un gars à part, qui a laissé tomber une carrière en plein boom pour une nouvelle passion moins lucrative : les chants traditionnels bulgares. Il a beau avoir tourné comme un damné en début d’année, la tête pensante de NMH ne s’est toujours pas exprimée en public. Si cette personnalité de reclus renforce l’aura de mystère qui entoure son groupe, quitte à contredire le propos du paragraphe précédent, on meurt d’envie de savoir ce qu’il est devenu. Ce qui l’a poussé à déterrer ce projet qui semblait appartenir au passé. Et s’il est capable de soutenir la comparaison, sur disque, avec Aeroplane et Avery Island. « I swear I have nothing to prove » déclarait-il sur «  », pierre angulaire déchirante de son premier album. Autant dire que si le temps lui avait donné raison jusqu’ici, Jeff Mangum se met aujourd’hui sacrément en danger.

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