Décryptage : Psy peut-il décemment cartonner avec « Gentleman » ?

Oui, la formule est bien rôdée. Pour le clip de « Gentleman », Psy reprend grossièrement la trame de la vidéo précédente soit « Psy fait des trucs décalés jusqu’à rencontrer LA fille ». Il donne aussi dans la satire sociale et oublie cette fois les riches pour viser plus gros : , conséquence de sept siècles de Confucianisme. Les vieux coréens, censés être révérés par les plus jeunes, se transforment donc ici en simples sous-fifres de la star K-pop. Prenant la défroque (colorée) de l’ordre social, Psy inflige ensuite à chaque personnage féminin des farces digne d’un Buster Keaton misogyne. Des saynètes burlesques et d’un goût très variable alternant bien sûr avec une chorégraphie filmée dans plusieurs décors et configurations. Reprenant même les plans iconiques où il dansait solo et en plan fixe le long d’une rue, Psy se positionne donc toujours comme le coach idéal pour ton prochain flashmob. Côté recyclage, le chanteur confirme aussi son intérêt pour les cours de fitness féminin et réinvite ses potes de la télé coréenne à gesticuler. Résultat : presque 90 millions de clics sur Youtube en 24h, le chemin vers la gloire semble déjà bien tracé.

Non, le clip est comme la chanson : bâclé. Censé avoir été tourné en deux jours sans dormir, « Gentleman » sent un peu le coup de fatigue. Le clip de « Gangnam Style » avait davantage de cachet, profitant des quelques montées en puissance et effets de contrastes (beaucoup moins efficaces sur ce nouveau titre) pour aller à trois cent à l’heure et enchaîner les séquences marquantes et gentiment absurdes : explosion impromptue, tempête de confettis, gamin déjanté, le tout sur un montage assez classe. Même les lieux semblaient plus recherchés : là où Psy dansait devant le World Trade Center de Séoul, le clip quelque peu terne de « Gentleman » semble se finir sous la tente de la régie pour la fête de fin de tournage. Côté choré, ça sent aussi le gros coup de flemme et Psy reprend en grande partie le vieux move d’un girls band local, les , invitant au passage l’une des chanteuses – Ga-In – à jouer dans son clip. Son nouveau trip est une danse « arrogante » et beaucoup moins fun que l’improbable « cheval invisible » de Gangnam Style. Problème : on partageait son dernier effort un peu comme le dernier post LOL de l’Internet. Dans son nouveau clip, les blagues ne font pas rire, à moins d’être ennemi des femmes ou fan de . Tout comme son nouveau refrain, plus ou moins calqué sur celui du tube précédent, la vidéo de « Gentleman » montre donc les signes d’une créativité en sous-régime, qui fait du sur-place sous couvert d’autoréférence.

Oui mais pas pour longtemps. Il ne faut pas être naïf : le clip est déjà un succès. Et la chanson un tube. Le problème de Psy, comme tous les phénomènes du genre, c’est d’avoir eu une épiphanie surexposée jusqu’à l’overdose. Une sorte de mème grotesque qui nous aura fait rire un temps mais d’une spontanéité quasiment impossible à reproduire. Un challenge perdu d’avance et d’ailleurs attesté par quelques photos d’un Psy en studio, censé être au fond du trou. Sur une planète pop à la temporalité désormais calée sur le rythme d’Internet (tu as deux semaines, tu es hasbeen #old) Psy aurait peut-être dû se réinventer complètement, genre revenir avec un clip en noir et blanc sous influences Rohmeriennes et relancer le slow, histoire de surprendre et casser à nouveau la baraque (et au passage les oreilles de l’humanité). En soi sa musique n’est qu’un décalque de formations type LMFAO rendu plus attrayante par son exotisme relatif en temps de globalisation extrême et son imagerie forcément décalée comparée à la fadeur visuelle d’un Guetta (par exemple) et des autres artisans de la dance music global. Retirez originalité et humour – hors Corée, la satire du clip risque de passer plutôt pour du sexisme authentique – et les « fans » du monde entier risquent rapidement de quitter le navire.

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