Non, les fans sont toujours là. Nous sommes en 2013, et étonnamment, ces places publiques d’échange (ce que désignait le terme « forum » dans la Rome antique) au design douteux et dont les codes et les fonctionnalités restent inchangés depuis plus d’une décennie, sont toujours présents. Jean-Pascal Mathieu, sur un blog de l’Express, affirme sans sourciller que « Facebook est condamné à subir ce qu’il a infligé aux Skyblogs ou à MySpace : une ringardisation accélérée ». En 2013, à l’heure où les musiciens twittent en studio, où ils alimentent leur Instagram en direct des loges, on se demande « à quoi bon ? ». Au-delà de son pseudo rigolo, MaryWhore a créé mansonfrance.com en 2008, une mine d’infos au sujet de ce bon vieux Marilyn Manson. Un truc plutôt bien foutu. « Beaucoup de fans se sont rencontrés via le forum pour passer le concert de Marilyn Manson au Zénith ensemble. C’est quelque chose dont je suis assez fière ». Des rencontres et des topics, une ambiance plus conviviale qu’une timeline Facebook : voilà ce que les fans viennent chercher.
Non, tout peut partir de là. Etienne Kerber est guitariste des Shades. Au début des années 2000, après les premiers albums des Strokes, Libertines, Vines, et consorts, « on a commencé à traîner sur les forums, et particulièrement sur celui de Sound Of Violence. On y a rencontré celui qui allait produire notre premier album, des gens avec qui on a bossé par la suite. Les forums, ça a été important pour le groupe, mais avant tout pour notre culture musicale. Aujourd’hui, il m’arrive d’y retourner ». Les balbutiements de la scène dite des « bébés rockers » eurent d’ailleurs lieu sur un forum consacré aux aventures des Libertines. Busty, pas encore journaliste chez Rock & Folk mais déjà fan de Pete Doherty, en était une membre active. Benjamin, lui-même pas encore chanteur des Shades, prit part aux débats, demandant à Carl Barât qui, pour lui, était le meilleur groupe parisien. Réponse de l’intéressé: « The Parisians ». S’il était possible de l’entretenir à l’époque, le fantasme de l’interaction en direct avec son idole s’est désormais reporté sur d’autres plate-formes, Twitter en tête.
Oui, ils sont souvent dédiés à des artistes fumeux. Stéphane Muraire connaît plutôt bien le sujet, lui qui bosse la promo au sein du label 3ème Bureau (Orelsan, Brigitte) : « Le warmzine.net, temple sacré de la scène punk-rock parisienne des 90’s, puis du hardcore dans les années 2000, a par exemple fermé depuis quelques mois ». Stéphane Muraire, à la relance : « Les forums, c’est plus un truc de minettes qui s’émoustillent sur les derniers trucs pop variét FM du moment, à la Quentin Mosimann, Gary Fico ». Plus vraiment le recueil d’infos pointues sur des groupes obscurs qu’ils étaient dans les années 90-2000. « Disons que l’outil a été remplacé », poursuit Muraire. « Mais il peut encore servir aux communautés vraiment fortes et unies qui ont besoin d’avoir un espace clean pour échanger des idées, ce que tu ne peux pas tout à fait faire sur un groupe Facebook par exemple, où tu ne pourra jamais parler d’autre chose que d’un sujet assez généraliste malgré tout ».