Lorsque l’on demande à Alexandre Gimenez, fondateur du label parisien , de choisir un disque dont il serait particulièrement fier, impossible pour lui de faire son choix. L’exercice revient à évoquer l’intégralité de son répertoire : Triptides, qui l’« épatent toujours autant », les Spadassins (« fabuleux en live »), les Guillotines (sa « première fois »), qui ont depuis avec un EP chez Entreprise et un concert remarqué aux Transmusicales, à l’inverse des (« passé trop inaperçus à mon goût » mais livrant pourtant un garage lo-fi du feu de dieu). « Et bien sûr les », qui se rapprochent de l’idéal musical d’Alexandre (vous pouvez retrouver en fin d’article un sampler concocté par Alexandre himself, et qui retrace l’histoire de son label).
C’est un petit peu confus, certes. Mais ça a le mérite de poser les bases de l’esthétique . Si l’on s’intéresse aujourd’hui à Alexandre et à sa structure, c’est que dans un paysage français un peu plus porté sur l’underground qu’il y a quelques années, ils sortent progressivement de l’ombre à force d’empiler les sorties de très bonne facture. Actif depuis bientôt trois ans, Croque Macadam est l’oeuvre d’un seul garçon, un passionné qui cause musique avec une bonne dose de fanatisme. Il se plaît dans son job dans l’industrie pharmaceutique et n’a jamais ambitionné de faire de Croque Macadam une histoire rentable.
Mais revenons plusieurs années en arrière. L’histoire commence, comme toutes les histoires d’ailleurs, bien avant le lancement des hostilités : « L’idée de monter un label remonte à mes premiers émois musicaux. À l’époque j’écoutais, et faisais, de la musique électronique, un domaine où la notion de label est très forte car ils définissent un son et une esthétique ». Si les sorties de Croque Macadam n’ont pas grand chose à voir avec ses premières obsessions, Alexandre va vite se prendre un mur dans la tronche : il y a dix ans de cela, il découvre les compilations Nuggets (en même temps que le premier album des Franz Ferdinand même si ça, il le concède moins volontiers). Trois ans plus tard, Alexandre et son frère lancent un blog de musique à vocation défricheuse, . Celui-ci servira de marche-pied pour la création de Croque Mac’.
Le passage à l’acte est venu des , des amis qu’Alexandre suivait depuis un certain temps. Il les pousse à enregistrer des morceaux en studio tout en s’engageant à sortir le truc « si le rendu était cool ». Composé de deux titres interprétés en français, entre garage brut et ambiances psychédéliques, le premier 45 tours de la petite maison (cabane?) de disques sort le 26 septembre 2011. « Une fois la digue sautée, les idées ont fusé pour les sorties suivantes. Tout s’est enchainé très vite ». Vient ensuite une sortie des (« les fines lames de la soul françaises », dixit les intéressés), puis le surf-psyché des , quatuor venu de Bloomington, Indiana. « Le choix des groupes se fait au coup de cœur. Cela passe par des chansons, des concerts, des amitiés », pose le garçon.
Au total : dix sorties, et encore quelques unes sous le bras, puisant dans « le garage, l’indie-pop, le folk-rock, la powerpop, le shoegaze, la soul, le psyché ». Si le tout manque un peu cohérence, selon l’intéressé, c’est le but de l’opération : « Tous les groupes traduisent une certaine idée de la pop sans forcément la manifester de la même manière. Sur le long terme, peut-être que ce lien intangible sera encore plus flagrant ». Le nom du label aussi, a été choisi un peu au hasard, “en hommage à Burger Records”. Gimenez cherche un équivalent français au burger, essaie de trouver un jeu de mot autour de croque monsieur et entend la chanson de ses Spadassins, “Le bitume”. “J’ai un peu fusionné les deux idées”, conclut-il.
Lui-même collectionneur, Alexandre ne se voyait pas sortir autre chose que des 45 tours. « Mon label doit être à l’image de ce que j’aime, il était donc hors de question pour moi de ne pas sortir de vinyle ». Il développe : « D’un côté on essaie de balancer un tube en puissance, et de l’autre on tente quelque chose de différent. C’est un format en voie de disparition à cause de son coût et du relatif manque d’intérêt du public, qui lui préfère les 33 tours ». Il parle même d’un certain « art de vivre » : « Aller chez son disquaire, croiser les personnes qui y étaient dans son bar fêtiche dans la foulée pour comparer ses achats, prendre son temps pour choisir et écouter un disque, devoir retourner le vinyle… »
La suite pour Croque Macadam devrait lorgner du côté du garage avec des bretons de Baston, deux très bons singles qui grapillent du côté de l’indie-pop et du post-punk. À venir également, les bidouillages lo-fi de Pain Dimension () ainsi que les « part time punks » . Le label pourrait bientôt évoluer vers quelque chose de plus ambitieux, aux côtés du label créé par le frère d’Alexandre, Requiem pour un Twister (issu du blog du même nom, lui aussi). Sans que le projet ne soit encore pleinement défini, l’idée est de « proposer aux groupes d’évoluer en même temps que le label et leur amener le soutient qu’ils méritent, au moins sur le plan de la communication. La distribution DiY a ses limites ».