Oui, car son auteur est une légende. Simon Reynolds a 50 ans mais en paraît à peine 30, derrière ses lunettes de gentil geek et avec son look passe-partout. Et pourtant, quand on cause musique, ce rock-critic anglais a tout vu, tout lu, tout commenté. Outre Rip It Up and Start Again, son bouquin sur le post-punk, il est l’auteur d’une référence en matière de nostalgie pas snob et de cool intemporel : Rétromania, comment la pop recycle son passé pour s’inventer un futur. Un essai qui dit tout, un point final. Paru en 2007, Bring The Noise sort aujourd’hui en français et en version augmentée. Simon Reynolds : « Le titre ‘Bring The Noise’ colle bien avec le bouquin, qui parle de rock, de hip-hop, et du mariage des deux. Public Enemy, ce sont des mecs fans de punk, de bruit. Il y avait un esprit commun. La presse anglaise considérait d’ailleurs Public Enemy comme le Clash noir ». Et derrière un titre bien choisi (« Bring the Noise » est une chanson de Public Enemy, enregistrée avec le groupe de thrah metal Anthrax) c’est un recueil d’articles tirés du Melody Maker, Voice ou encore Rolling Stone, parus entre 1985 et aujourd’hui.
Non, il analyse trop. « Parler des Smiths, c’est parler d’un narcissisme blessé qui se rebiffe et explose en un fantasme de martyre provocateur », lit-on. Tout est là. La force de Simon Reynolds, mais aussi sa faiblesse, c’est de tout décortiquer, étudier le moindre couplet jusqu’à la moindre virgule. D’un côté, cela permet de tracer des lignes entre les époques. Au fil du temps, en même temps que Simon Reynolds, les grandes évolutions prennent forme : « Quand j’ai écrit Rip It Up And Start Again, Youtube n’existait pas, je n’avais que mes souvenirs. Mais en même temps, si ça avait existé, alors je pense que le bouquin ne serait toujours pas terminé, je serais encore en train de creuser et de découvrir ou redécouvrir de nouvelles choses. Internet a ses avantages. Mais il y a tellement de musique, que je n’écoute les choses qu’une seule fois ». Mais bon, plonger dans les tréfonds de la discographie des oubliés Mantronix peut s’avérer un tantinet laborieux pour le lecteur. Bring The Noise est un ouvrage global, intransigeant.
Oui, on voit la pop différemment. Simon Reynolds : « J’aime bien ‘Call Me Maybe’. Je sais que ça passe partout, et même si j’écoute beaucoup la radio, je ne l’ai jamais entendu avant la fin de l’année dernière. J’aime les petits riffs de violons, et comment ça se mélange à la mélodie. Si j’étais musicologue, je pourrais mieux expliquer ». Si, encore une fois, la lecture de Bring The Noise peut laisser perplexe, sa réflexion sur la lutte des classes qui fait rage dans la pop-music est aussi carrément inédite (grosso modo : la classe moyenne reprend toujours la musique brute de la classe ouvrière pour lui donner un côté arty). Surtout, il n’aime rien tant qu’observer les évolutions de la pop-music. C’est un livre de fan donc, et surtout pas de vieux con : « Je ne me sens pas en opposition avec la jeune garde. Même si je ne suis pas d’accord avec un jeune qui viendra me parler de son groupe préféré, j’essaye de comprendre ce qui peut l’exciter là-dedans. C’est comme en musique. J’aime écouter des groupes que je ne pige pas, j’essaye de comprendre pourquoi j’aime ou pourquoi ça me dégoûte ».
(Diable Vauvert)