The Wave Pictures est ce genre de groupe culte auprès d’une fraction d’illuminés et qui semble condamné à un éternel anonymat. Chacune de leurs sorties donne lieu au même schéma : alors qu’une poignée de fans s’excite sur la nouvelle, le reste de l’humanité s’en tape royalement. Ainsi City Forgiveness n’échappera sans doute pas à la règle, et deviendra une occasion de plus pour certains de clamer leur amour pour le trio britannique, au beau milieu de l’indifférence générale.
Depuis qu’ils ont émergé du fin fond de l’Angleterre en 1998, les Wave Pictures ont déjà pondu près d’une douzaine d’albums qui leur ont permis de démontrer toute l’étendue de leur talent à travers des pop songs efficaces, « » et « » en tête. Et c’est qu’ils sont attachants, en plus, avec leur dégaine de petits banlieusards en galère tout droit sortis de l’imagination de Ken Loach. Alors qu’on ne s’attendait pas à être un jour surpris par la routine des Wave Pictures, ceux-ci se risquent ici à l’exercice du double album. Ces vingt titres ont été composés lors d’une tournée américaine et sont présentés par le groupe comme le résultat de ces six semaines passées à sillonner les Etats-Unis en van. Un changement radical en vue ? Pas vraiment, même si David Tattersall et ses comparses semblent davantage se pencher sur leurs amours américaines.
Si la majeure partie des 90 minutes de l’album rassurera ceux qui suivent les Wave Pictures depuis leurs débuts, on est parfois (un peu) surpris par la tournure des événements. « All My Friends », introduit le premier disque en invoquant les rythmiques distordues de Neil Young, le solo de « Chestnut » n’a pas grand-chose à envier à l’immense « Maggot Brain » de Funkadelic, tandis que la rythmique de « The Ropes » a de sérieux accents des Black Keys de la bonne époque. Le côté bluesy qui transparaissait déjà sur Long Black Cars, représente désormais une part importante des compositions du groupe (pour l’anecdote, les Wave Pictures ont d’ailleurs profité de leur séjour américain pour visiter la maison de Hank Williams).
De son côté, David Tattersall poursuit la trajectoire initiée depuis quelques années, se lâchant désormais totalement sur les solos de guitare. Loin d’avoir la bouille de l’emploi, il se mue pourtant en un véritable guitar hero dans son genre. Sans jamais tomber dans le m’as-tu-vu, sans en faire des tonnes, Tattersall aligne mine de rien de sacrées déferlantes de notes qui tombent toujours juste. Avec son toucher assez particulier, il a fini par se forger son propre son et n’hésite désormais plus à dévoiler la pleine mesure de son talent guitaristique au fil de ses compos. Déjà carrément impressionnant sur Long Black Cars, c’est ici clairement ce qui ressort de cette nouvelle sortie puisque ce sont ses solos qui font souvent basculer certains titres vers le génial et en sauvent d’autres du quelconque.
Au final, City Forgiveness est un album « classique » des Wave Pictures : une poignée de titres qui viendront s’ajouter à l’amas d’indispensables de leur discographie (« All My Friends », « Lisbon», « Missuula »), accompagnés de quelques titres plus dispensables sans pour autant être mauvais. Le souci principal de City Forgiveness réside en fait dans son format : le coup du double-album, c’est souvent casse-gueule. Les Wave Pictures ne s’en tirent pas si mal que ça, mais ingurgiter d’un bloc l’intégralité de la chose se révèle tout de même complexe. On finit par décrocher, même si le deuxième disque réserve son lot de bons moments à travers les quatre premiers titres, ponctués d’un solo de cuivre foutraque au possible mais qui fait son petit effet sur « The Shell ». La fin est bien moins inspirée (pour ne pas dire ennuyeuse) mais avouons-le, cela briserait sans doute le cœur de n’importe qui d’accoler un tel adjectif à ces gros mignons des Wave Pictures.