Pour les Von Pariahs, autant dire que l’histoire aurait pu ne jamais dépasser le premier chapitre. Il n’est jamais simple de se faire un nom et une place au soleil dans un pays qui n’aime que trop rarement sa pop. Sauf que récemment, les choses se sont mises à changer, et plutôt dans le bon sens. Oui, la France de la pop commence à avoir de la gueule. Libé parle de Lescop, Canal + invite Aline et même Laurent Ruquier s’intéresse à Granville. La pop, le rock et l’electro sont dignement représentés chez nous. Bref, la France a plus d’un incroyable talent, et cela commence à se savoir au-delà d’un petit cercle d’initiés. Sauf que voilà, tout cela demeure somme toute assez gentillet, et c’est là qu’interviennent les Von Pariahs. Ces nantais viennent d’ailleurs, d’un ailleurs plus menaçant, moins séduisant au premier coup d’oreille. Plus sombre, plus intense, plus rock et plus violent. Plus anglophile, aussi.
Si Granville veut « tout recommencer à Jersey », l’ironie du sort veut que pour le chanteur des Pariahs, Sam Sprent, tout ait commencé sur cette même petite île anglo-normande. On les devine enfants des années 90, biberonnés à Nevermind. Imaginez un groupe composé de Beavis, Butt-Head, Wayne Campbell et Garth Algar, le tout chaperonné par Gang Of Four. « Mesdames et messieurs, les Von Pariahs ! » Des fans des Talking Heads et de punk en général. Des gamins dévorés par l’envie de faire du bruit, des parias. Parce que faire un tel bruit, de par chez nous, c’est forcément être regardé de travers. Ce ne sont pas les Catholic Spray et Frustration, autres grands fouteurs de merde hexagonaux, qui vous diront le contraire.
Hidden Tensions porte mal son titre. Rien ici ne semble planqué sous le tapis. Les refrains sont des hymnes (« Still Human » et ses cris macabres), les riffs sont dignes des plus grands (on pense aux Pistols aussi bien qu’à Queen, qui dit mieux ?) et la production ne fait pas dans la demi mesure : tout ici est cradingue, mais un cradingue taillé pour les stades. « » est le morceau le plus emblématique de ce premier album, quelque part entre les Strokes (les Von Pariahs ont le même potentiel générationnel) et Joy Division (la même approche du chant, sec et tranchant). Nés sur scène et pour la scène (les chanceux présents à leur concert lors des dernières Transmusicales pourront en témoigner), les six Pariahs ne prennent le temps de la pop que l’espace d’un titre, « ». Pour le reste, c’est un uppercut. Et ça va vite. Et ça laisse le nez et le cœur en sang.
Autant le dire tout de suite, Hidden Tensions n’est pas en soi un album accueillant. Bien loin de la pop d’inspiration « plages et jolies filles », les Von Pariahs signent au contraire le témoignage un peu glauque d’une adolescence enterrée. Bien sûr, chacun sera libre d’y entendre ce qu’il souhaitera. Chacun sera libre d’y voir au contraire un brûlot dont la seule inspiration se situe dans le volume (11) de l’ampli Fender. Mais derrière la simplicité de façade (faire du bruit), on devine un groupe mettant sur bande ses frustrations, ses colères, ses désirs, et au passage, annonçant un ambitieux dessein. « La même chose que chaque nuit, Minus. Tenter de conquérir le monde !» Ce que toute cette année, et toute l’année prochaine, nos petits prodiges s’échineront à faire. Tourner, encore et toujours. On les a vus à la Cigale, prestigieuse salle parisienne. On les a également vu dans des rades pourris. Et c’est le même concert : pas d’embourgeoisement ici, les Pariahs seront toujours des Pariahs. Et l’urgence est telle qu’on ne serait pas étonné de classer leur deuxième album dans notre top de l’année prochaine.