Chroniques

Upset She’s Gone

Il flotte comme un doux parfum 90’s ces jours-ci. On a vu arriver une réédition de In Utero pour fêter dignement ses vingt balais, un nouveau Pearl Jam, quelques mois après un nouveau Soundgarden, tandis que Courtney Love nous annonce une autobiographie et un album pour décembre. Et pendant ce temps, chez Vice, on peut lire un article titré «  ». Vingt ans après, le grunge est partout et nulle part : vous pouvez avoir 17 ans, le jean troué, les cheveux gras et ne pas avoir la moindre idée de ce que le mot « grunge » signifie.

C’est dans ce contexte qu’est annoncé la naissance de Upset, sorte de supergroupe féminin du garage lo-fi américain. Nous avons à la baguette Ali Koehler, ancienne batteuse des Vivian Girls et de Best Coast. Elle l’avait annoncé en 2011, au moment de quitter le groupe : « I’ll be back ». À ses côtés, on retrouve une certaine Patty Schemel. Un nom qui signifie beaucoup, puisqu’elle fut la batteuse de Hole maltraitée en son temps. Souvenirs souvenirs. Quelques tweets pour briser la glace au début de l’été, et la machine est lancée. Le duo s’offre les services de Jenn Prince (La Sera) à la guitare, opte pour un nom simple et ne perd pas de temps. Ce premier album s’appelle She’s Gone. C’est pop, saturé. Et ça ne s’éternise pas (le plus long morceau s’appelle « Phone Call » et dure 3 minutes et 50 secondes). On n’est pas vraiment en territoire prog rock les amis. Mais ça, on s’en serait douté.

She’s Gone est exactement l’album que l’on imaginait, dès l’annonce du casting. Et c’est bien, bonnant malant, ce que l’on demande à nos doudous des années 90. Cette collection de chansons pop-punk, charmante au possible, s’impose rapidement comme un substitut au soleil qui nous quitte, ou comme la BO d’un road trip californien. L’approche de la mélodie se veut simple et efficace, comme sur le single doux-amer « Oxford and Wingtips ». Le reste de l’album est plus frontal et fonctionne sur les riffs grassouillets surmontés des miaulements de Koehler. Si les textes ne sont pas l’oeuvre d’un Prix Nobel de littérature, ils n’en demeurent pas moins touchants, dans leur approche des grandes questions de la vie (les mecs, l’ambition, ce genre de choses…). Les adolescentes qu’elles sont, et qu’elles resteront (Patty Schemel est, rappelons-le, née en 1967) parlent à l’adolescent mal à l’aise que nous étions, et que d’une certaine façon, nous serons toujours. Mais She’s Gone est également, un peu, un album de feignasses. Enregistré trop vite (on croirait avoir par moment affaire à des démos) et (volontairement) maladroit. Comme un ado, encore une fois.

Bien sûr, la nostalgie est à l’oeuvre, et on en profite pour se promener dans le passé, tout en se sentant également un peu coupable. On se dit que c’est un peu, sans doute, une perte de temps, car Upset chante pour les kids qui resteront éternellement des kids. Et comme nos parents excédés, on hésite entre trouver cela touchant, rentrer dans leur délire ou leur mettre une paire de claques.

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