Chroniques

Superpoze Opening

Superpoze, ou Gabriel, on le connaît depuis plusieurs années déjà. On se souvient de lui mettant pour la première fois les pieds dans les locaux d’une radio nationale. Il avait son sac à dos, avec quelques gadgets dedans, et proposa tout naturellement de jouer quelque chose, comme ça, à l’antenne, sans que cela soit forcément prévu au programme. Une innocence, une candeur qui honorait l’artiste à peine majeur, là où d’autres, aux abonnés absents aujourd’hui (il n’y a pas de secret), surjouaient la confiance et optaient pour un côté grande gueule fort mal à propos. Gabriel, lui, ne savait pas, ne devinait pas encore la suite. Pour le moment, là, devant nous, il n’était qu’un petit con cherchant sa voie, fan de DJ Shadow et de rap américain, flinguant les coupes de sa mère pour enregistrer quelques sons sur un logiciel de fortune.

Puis, en 2015, c’est le premier album, qui arrive après une maturité dûment acquise au cours de tournées dans des bleds improbables, de salles toujours plus grandes et de festivals toujours plus confiants (le Hall 9 des Trans, un moment déterminant). Opening est un titre à double sens. L’ouverture d’une nouvelle carrière, d’une nouvelle ère pour le jeune homme. Mais aussi le rideau qui se lève sur un écran projetant les premières images d’un grand film. S’il hésitait encore sur ses premières compositions à incorporer des éléments pop (les premiers remixes ou encore The Iceland Sound), ici, aucun doute, il s’agit d’une oeuvre à prendre dans son ensemble, et en aucun cas d’une modeste collection de chansons. Plus épuré que ses précédents EP’s (qui n’était pas pour autant bien gras, admettons-le, Superpoze sait faire beaucoup avec peu), Opening, pardonnez nous d’avance, est un voyage. Oui, on sait, quand un artiste propose un “univers” ou un “voyage”, c’est en général qu’il n’a aucun titre potable dans sa sacoche. Là, non.

Il serait vain de citer un à un les huit morceaux qui composent Opening, puisque justement, ils n’en font qu’un. L’ensemble aurait d’ailleur pu ne jamais avoir de tracklisting, et être regroupé sous un seul et même titre d’une trentaine de minutes. Une seule chose à savoir: il faut prendre son temps. Ces nappes instrumentales, ces quelques notes disséminées, ces longues plages de synthés, ne se domptent pas si facilement. Il faut, comme au cinéma, laisser le réalisateur nous prendre par la main, avoir confiance. Trop grande pour être simplement qualifié d’électro, cette musique crève l’écran par son ambition et sa démesure toute en retenue. Reste une inconnue: la France est-elle prête ? Rien n’est moins sûr. Superpoze, lui, n’en a cure. C’est le Monde qu’il va bouffer.

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