Chroniques

The Strokes Comedown Machine

Un album des Strokes en 2013, il fallait y croire très fort, il y a encore quelques mois. Rappel des faits : après cinq années passées chacun de leur côté, à publier des albums solos souvent médiocres (Nickel Eye) et parfois brillants (Phrazes For The Young) et à se taper dessus dans la presse, le club des cinq semblait mort pour de bon. Trop d’animosité, de problèmes de drogue pour au moins un guitariste, et des vies de famille peu en phase avec ce qui faisait les Strokes du début : des potes qui passent leur vie ensemble. Avant, les Strokes était un groupe cliniquement mort. Mais ça, c’était avant. Avant Angles, sorti en 2011, loin d’être l’album parfait, mais dont la principale qualité était d’exister. L’album du retour, en somme. Celui des fans.

Deux ans plus tard, c’est Comedown Machine qui débarque presque par surprise. Et de la plus belle manière qui soit : en faisant la nique à tout ce qu’étaient les Strokes. Envoyé en éclaireur, « One Way Trigger » énerve.. On entend encore les voix qui s’élèvent : mais bordel, où sont les guitares ? Nous l’écrivions ici-même : « Il y a du Bee Gees de buffet chinois à volonté dans ce chant, surtout quand Julian Casablancas pousse son falsetto (ce qui devrait s’annoncer laborieux en live, Monsieur n’étant pas réputé pour sa justesse). Les guitares sont en retrait, et tout tourne autour du synthé. Cheap, et grosso modo piqué à ‘Take On Me’ de A-Ha ». Et pourtant, comment imaginer plus belle mise en bouche ? Alors qu’à l’époque du précédent, après cinq années d’attentes, «  » sonnait comme du Strokes en pilotage automatique (avec un petit côté ). Ici, les fondations artistiques du groupe sont ébranlées.

Franchement, on n’imaginait pas avoir un jour entre les mains un cinquième album des Strokes. Comment, alors qu’on a tant symbolisé la jeunesse, espérer vieillir et se bonifier ? Mais c’est sans même avoir l’air de se forcer que Nick, Fab, Nikolai, Albert et Julian signent ici certaines de leurs plus grandes compositions. Il y a bel et bien chez eux un sens inné de la pop. On retrouve, bien sûr, ce que furent les Strokes à leurs débuts : le premier single officiel, « All The Time », n’aurait pas juré sur Room On Fire. Des accords simples, une mélodie catchy, un solo, et l’affaire est dans le sac. On retrouve également la guitare de Valensi, caractéristique, qui accompagne la mélodie note par note. Hier, c’était sur «  », aujourd’hui, c’est sur « Welcome To Japan ». Sur la première partie de l’album, on est plus ou moins en territoire connu. Même si de toute évidence, Casablancas se plaît à jouer avec sa voix, méconnaissable par moment. Ce que l’on entend là, c’est un groupe qui prend son pied en studio. Reste à ne pas oublier les chansons.

C’est réellement sur la deuxième partie que les choses deviennent pour le moins étrange, en tout cas à la première écoute. Moins évidentes, les mélodies nous cherchent. Il y a bien le refrain de « Chances », la bande son idéale pour ton petit cœur brisé, ou encore « Partners In Crime », joli, mais vite lassant. Et  « 50/50 », cousin de «  », sur laquelle Casablancas tente le cri guttural tandis que les autres crachent tout ce qu’ils ont. Il faut creuser, réécouter. Aucun hit de la trempe de «  » ici. Les titres de Comedown Machine ne sont pas destinés à être beugler en festival. Pour ça, il y a les trois premiers albums.

Résumons donc : nous avons ici du Strokes première époque (« All The Time »), un ovni (« One Way Trigger »), certains de leurs plus grands refrains (« Welcome To Japan », « Chances ») et surtout un groupe que l’on ne connaissait pas aussi groovy (« Tap Out », « Slow Animals »). Franchement ? Comedown Machine est un gros bordel. Ce qu’il reste des Strokes, c’est un groupe plus tellement soudé, mais toujours en plein possession de ses moyens. Ils veulent regarder vers les années 80 ? Ils le font, sans clichés, sans honte et avec classe. Pas un album simple, non. Mais un très bon album malgré tout.

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