Chroniques

Lady Gaga ARTPOP

Lady Gaga est, plus encore que ses consoeurs, un pur produit de son époque. Lady Gaga ne disparaît jamais, est toujours en une de quelque chose (même s’il s’agit simplement du site de Morandini) et a, du moins en apparence, toujours quelque chose à dire. Et ce même quand elle n’a aucun message de la plus haute importance à faire passer (« soyez vous-même »), les autres s’en chargent pour elle (« elle a pris du cul »). Lady Gaga, depuis le début, n’est qu’une espèce de bulle médiatique gonflée au clic et au buzz. Malgré quelques singles définitifs (« Bad Romance » et « Paparazzi » en tête), elle ne pouvait tenir indéfiniment sans exploser en vol. C’est désormais chose faite.

Progressivement, depuis ses débuts, Stefani Germanotta essaie d’ériger sa musique au rang d’art avec ce personnage monstrueux et un univers blindé de références. Pourquoi pas, après tout. Mais posons les choses très clairement : Lady Gaga, passés l’excitation suscitée par les hits cités ci-dessus, est une monumentale arnaque. Autrefois ou avec d’autres ambitions musicales, le monstre Gaga aurait été subversif et révolutionnaire. Dans le contexte actuel, elle apparaît surtout comme une attention whore de plus qui a trouvé son gimmick et des gens pour lui servir de caution popu. Parce que derrière les «  » où elle nous montre , les robes farfelues, son « admiration » pour Judas, il y a avant tout une musique consensuelle. Fin octobre, le Guardian a, dans un , fait le lien entre postmodernisme et avant-garde par le prisme du décès de Lou Reed et de la performance « controversée » de Gaga chez X Factor : « Bien sur, son côté bête curieuse s’intègre parfaitement dans une émission de variété de base. C’est tout à fait postmoderne, car même si elle peut aussi bien faire référence à Andy Warhol qu’au bikini couleur chair de Miley Cyrus, elle a sa place à la télévision à l’heure du primetime ». Bref, ses excentricités servent davantage comme des prétextes à conserver l’attention du (cyber)spectateur qu’à avancer une quelconque proposition artistique.

La musique, donc. Si, au moins, les précédentes saillies de la dame contenaient quelques tubes imparables, ici, difficile de distinguer quoi que ce soit au milieu de cette gelée popisante difforme. Tout est gras, tout est laid. Tout sonne comme du Madonna remis à jour (ou si peu, tant l’influence est évidente) avec une touche de Christina Aguilera dans les poussées de voix. Avec Rick Rubin (?!), David Guetta et quelques Black Eyed Peas à la production, rien de surprenant ceci dit. Même le jeune Madeon (sur « Gypsy ») trouve le moyen de faire, à même pas vingt ans, toutes les conneries de ses aînés. Les chansons ? Des versions vaguement plus modernes de ses tubes d’autrefois (il y a quatre ans à peine) : « Venus » sonne comme « Applause », qui lui-même sonne comme « Aura ». Sans oublier l’introduction « Aura », qui sert de déclaration d’intention et dont les couplets semblent parfois avoir été calqués sur le « Ca m’énerve » d’Helmut Fritz.

Seul le duo enregistré avec R. Kelly, «  », sauve l’ensemble avec l’un des refrains les plus frappants de la discographie de la dame. Mais hormis cette perle, c’est de la production de hits à la chaîne, à l’aide d’un demi-gimmick plus tellement efficace. En perte de vitesse face à Miley Cyrus et les autres (plus jeunes et surtout, moins enfermées dans leur personnage), Lady Gras-Gras en fait des tonnes, gonfle ses mélodies de basses et de beats toujours plus intenses ou cale un morceau rap (« Jewels N’ Drugs ») histoire de ne pas laisser filer ses parts de marché auprès du public « jeune » et « branché ». Le résultat ? Un trop plein de vide.

Mais encore une fois, dans l’univers choucroute de la Stefani, la musique n’est jamais seulement de la musique. Non, voyez-vous, Lady Gaga est une Artiste (indice : jetez un œil au titre de l’album) et tout ici, sauf le contenu des chansons, est de nature à marteler cette idée. En citant Warhol (l’esprit de la Factory, paraît-il) ou en employant Jeff Koons pour la pochette (l’artiste le plus côté du moment, au service des marques et des opé commerciales rutilantes), Gaga essaie d’augmenter ses chansons raplapla d’une caution arty. Encore une fois, elle joue avec le concept de célébrité (citation tirée de « Venus » : « Uranus ! Don’t you know my ass is famous ? »), mais plutôt que de formuler une quelconque remise en cause de celui-ci (ce que faisait déjà Warhol il y a un demi-siècle) ou dire quelque chose de nouveau ou d’intéressant, elle ne fait que le renforcer. Encore une fois, rien ne dépasse. Jusque dans ses polémiques (sa chanson pro-Burka), il n’y a bien que les recoins les plus conservateurs de nos sociétés pour écarquiller les yeux.

Problème: la formule ne fait plus recette. Lady Gaga ne trompe plus personne. En compétition avec les sorties récentes des nouveaux albums de Katy Perry et Miley Cyrus, voire de Arcade Fire, son plan promo a fait pschit (non mais sérieusement, combien de fois a-t-elle montré son cul ces dernières semaines?). Lady Gaga, autrefois bonne faiseuse de tubes se retrouve pour la première fois à la ramasse. Et autant dire qu’elle n’amuse plus la galerie. Mais, bille en tête et condamnée à ne plus jamais redevenir Stefani Germanotta, elle trace sa route vers la facilité et ce malgré tous ses efforts pour nous faire croire le contraire. Si on prend pour acquis que ce qui est rare est cher, Lady Gaga, sa musique et son postérieur sont désormais carrément bon marché.

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