Parfait petit bright-boy de l’industrie musicale au début des années 2000, le Justin Timberlake de 2013 est un tout nouvel homme. Depuis FutureSex/LoveSound, sorti en 2006, l’ex monsieur Britney Spears est devenu acteur (The Social Network, Bad Teacher, Time Out, Sexe Entre Amis et prochainement Inside Llewyn Davis des frères Coen) et entrepreneur (il a acquis une partie de MySpace en 2012).
Ce vers quoi Timberlake se dirige tout doux, ces derniers mois, c’est une sorte de statut d’artiste 360°, lisse, souriant, et avec une gestion scrupuleuse de son image. Ce retour a été en outre savamment orchestré, avec des annonces délivrées au compte-goutte depuis quelques mois, comme pour mieux nous préparer à l’« immensité » de sa métamorphose. Car après tout, quoi de mieux qu’un album pour, à 32 ans, installer une nouvelle image publique.
Mais causons un peu musique, pour commencer. The 20/20 Experience porte indubitablement l’empreinte de Timbaland, déjà à l’œuvre sur Justified et Futuresex/Lovesound : cuivres hallucinés, rythmes pervertis et arrangements rétro. Une posture toutefois vite nuancée par le clip de « Suit & Tie », enregistré en duo avec Jay-Z et réalisé par David Fincher (enfin, vu le résultat, François Ozon aurait tout aussi bien pu assurer le job). Justin s’y affiche en costard-cravate, forcément, flatte son égo, prend tout un tas de poses – option classicisme noir et blanc. Et puisqu’on évoque « Suit & Tie » : sans être le meilleur morceau de ce troisième album, loin de là, il reste tout de même une synthèse parfaite de ce que devrait être le r’n’b en 2013 s’il n’avait pas déserté les charts. Rarement on avait eu l’impression qu’un crooner pouvait se révéler aussi catchy.
Contre-propositions rythmiques et les grooves chaloupés : fondamentalement, The 20/20 Experience est un très bon album. L’ex-N’Sync se permet les plus folles mélodies, de celles qui ouvrent mille pistes différentes dans un morceau. Les instrus néo-soul, les beats syncopés (Timbaland, forcément) sont audacieux mais ce qui finit assez vite par fâcher, c’est qu’au fond, malgré tout son arsenal, Timberlake ne se met jamais une seule fois en danger.
De la durée des chansons (aucune d’entre elles ne mérite foncièrement d’être étirée sur sept minutes, comme c’est le cas presque tout du long. « Si Led Zeppelin et Pink Floyd peuvent faire des chansons longues, pourquoi pas moi ? », a-t-il d’ailleurs déclaré), au titre de l’album en passant le laps de temps écoulé depuis FutureSex/LoveSound et cette fameuse campagne de communication, tout tire dans un seul et même sens : faire de The 20/20 Experience un album Important. Justin Timberlake la joue Mr. Perfect tout du long. L’iconographie de l’album, avec le gars grimé en Chuck Bass, des compas et des microscopes plein les yeux, met en avant le côté crooner cool-corporate qu’il semble être devenu. Sans oublier, encore une fois, ces morceaux interminables (un homme parfait ne fait jamais comme les autres) : on parle quand même du gusse qui a accouché de « » ou « » par le passé.
Pour finir, l’argument qui tend à soutenir que « Timberlake est un malade, il ne passera jamais en radio avec des chansons aussi longues » ne tient plus debout, en 2013, lorsqu’on a 19 millions de paires d’yeux à votre merci sur Facebook, 17 millions sur Twitter, et une machine sociale derrière vous, avec MySpace (bon, ok, on blague un peu pour MySpace). À l’instar de David Beckham, Timberlake utilise son exposition médiatique à des fins nouvelles : avec The 20/20 Experience, il installe un personnage qui dépasse sa fonction première (musicien, footballeur) et qui, au final, tend à devenir une marque à part entière.