Avec ARTPOP, Lady Gaga est tombée de son piédestal de star numéro un de son époque. Ventes catastrophiques, pertes énormes pour son label et côté de popularité en berne, au profit de Beyoncé, Rihanna, et même Lorde. A priori pourtant, le projet était louable : remettre de l’artistique, de l’expérimental dans la pop. Sauf que l’album était bien foiré, prouvant ainsi le côté casse-gueule de ce type de démarche.
Fear Of Men a un profil bien différent de celui de Lady Gaga. Mais le parallèle arrive. De la machine médiatique, nous passons à un modeste duo (devenu quartet) issu de l’école d’art de Brighton qui sort avec Loom son premier album. Mais au final, les raisons du ratage sont les mêmes : la mécompréhension de “art” dans “artpop”. Quand la Gaga s’inventait Artiste par la surenchère de sons certes inattendus mais creux et de références arty, Fear Of Men tombe dans la vision passéiste de l’art comme sensibilité fleurie. Le résultat est une dream-pop qui accumule les clichés mélancoliques (à peu près toutes les chansons parlent à un moment de l”eau ou de la mer à l’image de “Waterfall”) et les mélodies doucereuses aux arpèges maitrisés jusqu’à l’ennui. L’album débute d’ailleurs par un chant qui ne voulait sûrement pas devenir symbolique de la suite : “Baby, sleep with me now”. C’est une nouvelle fois raté.
L’Angleterre a pourtant une longue histoire de musiciens pop passés par les écoles d’art : John Lennon, Keith Richards, Bryan Ferry, Ian Dury, Graham Coxon, et la liste est encore longue. Jarvis Cocker, leader de Pulp, a lui aussi fréquenté les bancs des art schools britanniques au Central St Martins de Londres. Dans une article de 2009 du Guardian portant sur l’, celui-ci s’est exprimé contre les nouvelles politiques du résultat qui se diffusent jusqu’aux écoles d’art, autrefois bastions d’une certaine idée plus large du succès éducatif : “J’y ai appris à penser de manière non-latérale. C’est ce qu’on peut perdre en basant tout sur le résultat. C’est dur à imaginer, mais j’ai peur que les années du conférencier alcoolique qui crache deux trois idées avant de s’endormir soient finies”.
Qu’un groupe sans identité comme Fear Of Men puisse être composé d’étudiants en art est peut-être le reflet de cette évolution, comme une sorte de retour aux vertus fédératrices de l’académisme. C’est vrai que rien n’est à vraiment jeter dans Loom. Et si personne n’est heurté, ont-ils dû se dire, à défaut de taper un 10, on aura au moins la moyenne après tout. Il ne s’agit pas de dire ici ce que c’est l’art et que toute musique digne d’intérêt doit suivre ce canon. Au contraire, l’art est indescriptible, et toute musique ne doit pas être “artistique”. Le problème de Fear Of Men est d’avoir confondu ce qui ne sont que quelques méthodes (la guitare perturbatrice de “Green Sea”, l’allongement aux six minutes de “America”) en marqueurs d’originalité. Alors qu’il en faudrait beaucoup plus, voire beaucoup moins. Fear Of Men, n’ayez pas peur.