La brit pop (quelle qu’en soit la définition) semble ne jamais avoir été pas prise au sérieux, et ce par Damon Albarn lui-même. Bon, ok, « Song 2 », c’était très con. Un tube, certes, mais surtout une grosse blague. Mais il y avait plus, chez Blur, même si Albarn renie aujourd’hui partiellement ses jeunes années. Côté vieux os de la brit pop, Oasis n’est plus, Supergrass non plus. Il paraîtrait que Suede, si. Bref, la brit pop est morte et enterrée. Mais dans tout ça, le plus intéressant est d’observer à quel point les acteurs principaux de l’époque courent après une sorte de (attention gros mot) crédibilité. Une théorie parmi tant d’autres : la brit pop n’est pas considérée car elle n’a jamais eu de mort. Pas de figure christique comme Cobain ou Lennon, et nul doute que si Albarn, Liam Gallagher ou Gaz Coombes étaient morts, si cette époque avait eu son messie sacrifié, la brit pop aurait connu certainement droit à ses lettres de noblesse. Mais Damon Albarn est vivant. Il peut donc décevoir.
Déception, donc. La première info contenue dans ce premier album solo du gars Albarn est la suivante : il veut être pris au sérieux. Et il se prend au sérieux. À l’image du premier single, qui donne d’ailleurs son nom à l’album, nous n’avons affaire ici qu’à une vaste compilation d’idées empilées les unes sur les autres. Il y a un violon, un petit air, quelques notes irritantes au possible, et le voilà qui brode autour du fil rouge d’une chanson très peu inspirée, qui ne va nulle part, ne dévie jamais de ce ton monocorde, de cette mélodie pauvre. Les choeurs (très discrets) ne nous sortent pas de notre torpeur, bien au contraire. En outre, « Hostiles », dès les premières notes, évoque The Good, The Bad & The Queen (plus belle réussite de la carrière du natif de Whitechapel, mais cela n’engage que l’auteur de ces lignes, qui changera sans doute d’avis demain). Mais là encore, difficile d’en extraire une quelconque grandeur. C’est sérieux et ça ne raconte pas grand-chose. Le début, le milieu et la fin s’emboîtent dans une mélasse sonore sans crochet mélodique. Sans jamais décoller, sans jamais explorer. « Lonely Press Play » est une petite chose fragile sans relief. Et là encore (spoiler, il en va de même pour l’intégralité des 46 minutes et 32 secondes que durent le disque), IL NE SE PASSE RIEN.
Everyday Robots est produit par Albarn lui-même, Richard Russell (patron du label XL Recordings, maison de disques d’Adele, Radiohead, The XX…) et Brian Eno, donc certes, c’est beau, mais derrière la justesse des sons, difficile de déceler la moindre chanson (même vaguement) définitive. Il faudra attendre le dernier titre, « Heavy Seas Of Love », pour enfin voir entrer la lumière. Là, Damon Albarn se fait conquérant. Là, il a pris le soin de signer une belle et (peut-être) grande chanson. Mais jusqu’ici, il s’était contenté de murmurer des bribes de mélodies sur quelques accords de guitare ou de piano qui sonneront super bien sur votre nouvelle chaîne hi-fi hors de prix.
Récemment, dans une interview accordée au Monde, Albarn déclarait ceci : « Tourner avec Blur, comme l’été dernier, peut être une façon de prolonger l’adolescence. J’ai écrit les chansons du groupe quand j’avais une vingtaine d’années. Je viens de fêter mes 46 ans. J’aime cette seconde partie de quarantaine. Vous êtes réconcilié avec votre jeunesse, vous acceptez de vieillir, car il vous reste beaucoup d’énergie ». Il semble évident qu’il n’aurait pas écrit un tel album il y a dix ans. Qu’il lui ait fallu quantité de projets collectifs avant d’oser franchir le pas, poser seul, assumer de tourner en son propre nom, soit. Mais la musique, elle, pâtit grandement de cette absence totale de plaisir. La pop, ça doit être un peu fun, non ? Quoi qu’il en soit, ce document d’une crise de la quarantaine un brin tardive laisse pantois. Mais après tout, peut-être que c’est nous, qui refusons de grandir.