Chroniques

Daft Punk Random Access Memories

Les Daft Punk sont un cas à part dans la sphère pop française. Et ce depuis leur premier album, Homework, en 1997. Un disque phare, novateur, expérimental, dingue, minimaliste, sexy et branché. Sauf qu’à l’époque, le monde préfère danser sur les Spice Girls, Ricky Martin et Wes (« Son déri sang / Mini sondé / Bika mi sanga / ga minitou / mi pa mi tcho andou mi pao yé », les paroles sont restées cultes). Pourtant, il y avait du génie, et même du Gondry dans cette affaire. Mais non. Homework est resté lettre morte. Quatre ans après, Guy-Man et Thomas tentent un coup de poker : remettre au goût du jour le disco (qui n’avait pourtant rien demandé) et enquiller les tubes comme « One More Time » et « Harder Better Faster Stronger ». Des titres que personne ne passe en club aujourd’hui. Triste.

Mais le duo persiste. Et signe, avec Human After All en 2005, un manifeste robotique que n’aurait pas renié Isaac Asimov. Répétitif ou obsédant, au choix, ce troisième album divise. Et les Daft, eux, peinent à remplir les stades (un live enregistré au Café Charbon sortira malgré tout) et à obtenir la moindre petite ligne dans la presse spécialisée (sauf dans Rock’n’Folk, qui, bizarrement, voit en eux les dignes descendants des Naast). Il faut dire que porter des casques, c’est pas sexy. On veut de la bonne tête de Winner, des mecs avec le smile, comme Guetta et Quentin Mosimann. Des beaux gosses qui en veulent quoi. Et d’ailleurs, eux vendent, et intriguent. Alors que les Daft Punk…  En 2011, ils signent la bande originale de Tron Legacy (une merde), alors que Zep leur propose de soigner le score de l’adaptation cinématographique de Titeuf. Une carrière, ça se joue aussi sur un nez creux.

2013, année de la dernière chance ? Difficile à dire. D’un côté, les Daft Punk jouent de cette image de héros de l’underground, de figure de proue d’une certaine électro qui peine à séduire le grand public et à s’exporter. La solution, à ce faux problème eut été de s’orienter vers l’eurodance, et de s’acoquiner avec ce génie de Pitbull (pour un duo avec Snoop Dogg, LOL). Mais non. Leur truc, c’est le funk. Et ils en ont marre des machines, et veulent donc de vrais instruments. Genre xylophone et tout. Une belle idée ? Oui. Les mecs sont de grands producteurs (nous le savions) mais aussi de grands songwriters. « Instant Crush », avec au chant le mec de la pub Azzaro, est sexy en diable, et mélodiquement à chialer. « Lose Yourself To Dance », avec le mec de la pub HP, devrait sans mal s’imposer comme deuxième single, après « Get Lucky » (et le même chanteur). On croise également Nile Rodgers, membre de Chic, des stars du disco d’avant. Des featurings qui sentent donc un peu le renfermé, vous en conviendrez… Surtout avec tout cet autotune, pour faire comme T-Pain. PIRATES !!!

Tantôt épique (« Beyond », « Contact »), intimiste (« The Game Of Love »), génial (leur reprise du “Cordy By Annie” avec un gros italien)… RAM est la somme de tout. Toutes les époques, toutes les influences, toutes les façons de faire… Il y a des fantômes du paradis, Magnum, un voyage dans l’espace, le groove d’une soirée arrosée, des icônes du passé, un son du présent…Un album qui prend son temps, contrairement à nous. Tiga : “Bangalter spends six months recording a bass note through six mics and the world hears it as an itunes 128 stream.” Random Access Memories, le plus grand disque des Daft. Dommage, personne ne le saura. 

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