Chroniques

The Bloody Beetroots Hide

On l’avoue la tête basse : malgré tout leur potentiel teubé, les premiers singles des Betteraves Sanglantes, sortis avant 2009, avec les « Warp » et « Cornelius » nous avaient agréablement sortis d’une torpeur house de plus en plus tiède. Le groupe assumait alors le délire avec leur turbine outrancière jusqu’au bout de la vulgarité et sonnait comme une bonne blague aux relents d’apocalypse, dans le contexte, rappelons-le, d’une scène électronique un peu trop sponsorisée par Colette.

Aujourd’hui, le côté dangereux et salissant de ce groupe a laissé place à quelque chose de plus confortable et capable de réconcilier fans de rock fort et perchés du bro step, cette électronique bodybuildée pour springbreakers décérébrés. Une batterie disco, un mur de son pachydermique, une foule de samples criards, quelques « instants émotions » sur fond de pianos baveux et des performers lookés en Némésis de Spiderman… boarf. Cette formule, mise en branle dès le premier titre de ce nouvel album, est d’ailleurs tellement bien huilée en live que nombreux sont les festivaliers, heureux de la découverte sur scène, à déchanter une fois entendus les titres sur album.

Car, encore une fois, la dernière livraison des Bloody Beetroots mange à tous les râteliers, perdant régulièrement l’auditeur, et l’intensité de ses titres, au fil de ses trop nombreux breaks, circonvolutions inutiles et sautes d’humeur en série. Quand il ne réinvente pas le hard rock progressif, remplaçant les délicates lignes de synthés d’antan par autant d’artefacts rave et dance en vogue dans les années 2010, ce nouveau disque donne l’impression tenace d’une compile pot-pourri d’une multitude de genres, allant même jusqu’à l’électro-pop romantique sur le titre accompagné de Theophilius London, «  ». L’influence Daft Punk est toujours prégnante, comme si les Bloody Beetroots n’avaient toujours pas digéré l’album Discovery, les riffs de guitares synthétiques d’« Aerodynamic » ou les montées furieuses et festives de « Crescendolls ». À d’autres moments, on les sent croire très fort en leur statut de groupe néo-punk à l’ironie post-moderne, se servant d’un second degré finalement assez has-been pour moquer le côté cheesy et gras du bide de leur propre musique, que ce soit au détour d’une ouverture en forme de symphonie de mouches à merde («  ») ou d’un Tommy Lee moquant ouvertement certaines dérives kitsch et passages italo-disco («  »).

Étrangement, le groupe arrive toujours à booster son hardcore-credibility via quelques featurings hallucinants. Après avoir débauché (dans tous les sens du terme) par le passé le chanteur de Refused, c’est cette fois Penny Rimbaud, frontman des Crass, feu groupe anarcho-punk séminal, qui vient déclamer un poème («  »). Autre invité improbable, Paul McCartney, apparaît sur «  », la voix noyée sous une mélasse d’effets avant que le titre n’embraye sur un refrain d’électro de stade un peu bidon avec des choeurs d’enfants. Une hormone de croisance pour hymne du pauvre (la technique est d’ailleurs régulièrement utilisée sur cet album).

Tout comme le dessinateur Tanino Liberatore recycle pour la pochette de ce nouvel album, Hide réchauffe et mélange donc sous des atours criards et sans réelle ambition les gimmicks de tous les blockbusters de la dance-music de ces dernières années, de l’hystérie dubstep post-Skrillex aux voix féminines d’un Calvin Harris. Résultat : en plus de trainer en longueur, donnant l’impression d’un triple-album, ce nouveau disque s’avère particulièrement indigeste.

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