magazine / interview

BAT FOR LASHES : « Tu dois être ton propre héros »
Depuis 2006 et la sortie de son premier album, Natasha Khan intrigue autant qu'elle bouleverse. C'est sous un soleil de plomb qu'on la retrouve dans un jardin parisien, entourée de pots de fleurs et d'arbustes histoire de vous refiler un bon rhume des foins.
  • 10/10/2012
    BAT FOR LASHES : « Tu dois être ton propre héros »
  • 08/10/2012
    LESCOP : « Sans la musique, je me serais déconnecté du monde... »
10/10/2012 / Nico Prat

« Bat For Lashes est le pseudonyme de la musicienne Natasha Khan, née le 25 octobre 1979 à Brighton, au Royaume-Uni. Natasha Khan est née dans une famille de joueurs pakistanais de squash.Son père est pakistanais, sa mère est anglaise. Elle a vécu une partie de son enfance au Pakistan. Elle a un frère et une sœur : Tariq et Suraya ».

Voilà pour la bio Wikipédia. Pour le reste, on conseillera l’écoute de son troisième album, The Haunted Man. De loin sa plus belle réussite dans une jeune carrière pourtant riche en moments de bravoure. En tout cas son disque le plus intime, le plus émouvant. La recette – terme péjoratif, certes – ne change pas, les mélodies sont toujours aussi limpides, la voix mise en avant. Ici, Bat For Lashes gagne en grandiloquence ce qu’elle perd en innocence, pour livrer, peut-être, l’album destiné au succès de masse.

NATASHA KHAN : Ma première chanson, je m’en souviens bien. J’avais onze ans, c’était une chanson d’amour. Mais c’était très mauvais (rires). J’ai commencé à être fière de mes compositions aux alentours de mes 14 ou de mes 15 ans. Avec le recul, je trouve qu'elles sont horribles, bien sûr, mais à l'époque je commençais à développer mon style, ma personnalité. Ce n’est qu’à 19 ans que j’ai commencé à vraiment utiliser des sons électroniques, des synthés, et à prendre conscience des arrangements. Là, j’ai pensé : « j’aime cette chanson ».

Et c’est encore le cas aujourd’hui ?

J’aime ma musique. Après tout, je ne la sortirais pas si ce n’était pas le cas. Il faut que je sois le plus honnête possible, que je sois fière de mes chansons, parce qu’après, elles restent, et je dois les assumer. Quand tu termines un album, tu es obligé de l’aimer.

Cet album est un peu plus, disons, lumineux que les précédents…

J’ai besoin d’être d’une certaine humeur. Curieuse, avec l’envie de communiquer. Mais ça ne marche pas toujours. Parfois, je me pose derrière mon piano, mais rien ne vient. L’idée de composer avec des horaires de bureau, genre de 9h à 17h, ça marche sans doute pour certains artistes, mais en aucun cas pour moi. Tu souffres toujours un peu quand tu essayes de créer quelque chose. C’est normal, ce n’est pas quelque chose de simple. Cet album fut plutôt douloureux. Mais tu n’as pas pour autant besoin de souffrir dans ta vie de tous les jours, tu vois ce que je veux dire ? Pendant la préparation de The Haunted Man, je traînais chez moi, je mangeais de bonnes choses, j’allais au cinéma avec mes amis. La belle vie quoi. Et cela m’a permis de mieux gérer la souffrance liée à la composition. Si tu as une vie de merde et que tu composes des chansons là-dessus, ce ne sera pas très intéressant, tu écriras des chansons en une dimensionBoring... Mon dernier album était un peu comme ça, je trouve. Là, je voulais plus de richesse.

C’est également ton album le plus personnel.

Je ne pense pas vraiment aux gens quand j’écris mes textes. Je suis moi-même très critique, ça me suffit. Si je commence à me soucier de l’interprétation des gens, je ne vais nulle part. Le plus important est se créer son propre espace, de faire le vide autour de soi. Et protéger ta vision. C’est comme quand tu accouches : tu ne veux pas que l’infirmière rentre dans ta chambre trois minutes après en te demandant le prénom de l’enfant, ou la couleur de ses yeux. En général, la première personne à entendre mes chansons, après moi, est David Kosten, mon producteur. J’ai mon propre studio dans lequel je peux travailler mes morceaux, leur donner leur structure. Ensuite, je vais voir David, et ensemble, on construit le produit fini. En général, je lui fais confiance.

 

 

« La musique et le cinéma pour moi font partie du même univers. »

 

 

Tu as fait quoi depuis la sortie de Two Suns, en 2009 ?

L’année dernière, j’ai fait de la danse. Beaucoup. Je bosse avec un ballet sur un film, un film musical. J’adore les films. La musique et le cinéma pour moi font partie du même univers. Récemment, j’ai vu Prometheus, j’ai trouvé ça pas mal. Et le dernier Batman. C’était naze. Et la mort de Marion Cotillard, rubbish... J’ai vu Drive, super film, super BO. Et je suis grande fan de Godard, de Cassavettes aussi, dont le cinéma a d’ailleurs beaucoup inspiré le clip de Laura. J’aime aussi cuisiner, j’aime les animaux. Tu vois, j’ai plein de passions !

Parle moi un peu de ta famille. Tu as grandi dans un environnement musical ?

Personne ne jouait d’un instrument dans ma famille, sauf ma cousine, qui faisait un peu de piano. Mon père, disons qu’il aimait la pop. Ma mère adorait chanter avec moi en voiture. Elle a d’excellents goûts. Mais mes premiers pas en temps que musicienne, mes premières chansons, ont été inspirées par Kurt Cobain, Björk, Lou Reed… Les artistes de mon adolescence. Ils ont été mes professeurs, en quelque sorte. J’avais une certaine perception de la vie de rock star, ou disons d’artiste en tournée. Mais quand tu commences à vivre cette vie, tu te rends compte que ça n’a strictement rien à voir. La taille du van par exemple. Tu imagines un grand bus, mais non, pas du tout. Tu connais le cliché, sex, drugs & rock’n’roll... Oui, ça fait rêver, mais personne ne te dit à quel point tu dois bosser au quotidien. Les maisons de disques sont plus strictes aujourd’hui, tu ne peux pas faire n’importe quoi.

Il y a toujours un certain mystère autour de toi. On ne sait finalement pas grand-chose de toi. C’est voulu ?

C’est juste que je ne veux pas être ennuyeuse. Sur Twitter, Facebook, c’est du blabla en permanence. Il y a tellement de choses passionnantes à faire et à voir, au quotidien, que je ne vois pas l’intérêt de perdre mon temps à essayer à tout prix d’être drôle ou intéressante en 140 caractères. Je suis quelqu’un de discret, j’ai peu d’amis. Pour moi, sortir un disque suffit. Je n’ai pas besoin de révéler plus, c’est déjà extrêmement personnel. Mais Twitter, je ne suis vraiment pas fan...

 

 

« Je suis en quelque sorte la gardienne de la vérité ! »

 

 

La tournée approche, tu vas devoir t’exposer un peu plus qu'à l'accoutumée.

Avant un concert, je suis silencieuse. Je me préserve. Je peux être nerveuse, excitée. Mais la plupart du temps, c’est juste : la paix. Mais sur scène… Lors de mes dernières tournées, je regrettais qu’il n’y ait pas plus de morceaux up tempo, que je ne puisse pas réellement danser sur scène. J’y réfléchis pour celle-ci. En général, il y a un vrai travail d’imagination à effectuer après l’enregistrement, pour savoir ce que tu veux faire. D’ailleurs, je garde un souvenir très fort d’un concert à Paris, à la fin de la tournée du premier album. Avec le groupe qui m’accompagnait sur scène, on savait que c’était la dernière fois que nous jouions ensemble. Par la suite, je voulais bosser avec d’autres musiciens. C’était donc une soirée riche en émotions.

Puisque tu me parles de tes musiciens, tu travailles bien en groupe ? Toi qui revendiques une certaine solitude... 

J’ai d’avantage bossé avec les autres sur ce disque que sur les précédents. Je suis assez control freak quand il s’agit de musique. Mais heureusement, sinon ce serait le bordel. Surtout qu’un disque se vit sur deux ou trois ans, des premières chansons à la fin de la tournée. Il faut donc savoir précisément où tu veux aller. Je suis en quelque sorte la gardienne de la vérité ! (rires)

Pas le pire des boulots…

Parfois, j’ai l’impression que c’est un métier. Quand je suis fatiguée, que j’en ai marre. Mais c’est le meilleur boulot du monde. Tu n’as pas le droit de te plaindre. Et au-delà de la musique, ce métier m’offre le temps de devenir une meilleure personne. Mais c’est difficile.

Tu as des héros ?

Pas vraiment, à part ma mère qui a élevé trois enfants, mais il y a bien évidemment des carrières que je respecte. Peter Gabriel, qui toute sa vie a fait des choix créatifs osés, pointus. Mais je pense surtout que tu dois être ton propre héros.

Tu es quelqu'un de très sympathique, qu'est ce que tu aimerais avoir dans le futur ?

Assez de succès pour financer mes propres projets ! Un film sur la danse ! Et un parfum ! J’adorerais avoir mon propre parfum. Et un gentil mari, un jour, ce serait chouette. Une petite famille !

 

Album : The Haunted Man (Parlophone / EMI)

Sortie le 15 octobre.

 

 

Tags:


Bat For Lashes ; Natasha Khan

Dans le même style

  • BAT FOR LASHES : « Tu dois être ton propre héros »
  • LESCOP : « Sans la musique, je me serais déconnecté du monde... »
  • DINOSAUR JR : «  Je sais bien que je suis quelqu'un d'...
  • MELODY'S ECHO CHAMBER : « J'ai du mal à m'écouter...
  • 10/10/2012
    BAT FOR LASHES : « Tu dois être ton propre héros »
  • 08/10/2012
    LESCOP : « Sans la musique, je me serais déconnecté du monde... »

magazine

BAT FOR LASHES : « Tu dois être ton propre héros »

Depuis 2006 et la sortie de son premier album, Natasha Khan intrigue autant qu'elle bouleverse. C'est sous un soleil de plomb qu'on la retrouve dans un jardin parisien, entourée de pots de fleurs et d'arbustes histoire de vous refiler un bon rhume des foins.

10oct2012
Swaggman est-il le Lil Wayne français ?

Swaggman est le mec le plus fou du web : rappeur, businessman, troll et star dans sa tête, il n'a pas hésité à s'afficher à côté d'Amandine du 38 pour « faire le buzz ». Rencontre POPOPOSEYYY avec le Lil Wayne français.

10oct2012
Next Big Thing : Joey Bada$$

New York, 2012. Le type a 17 ans et il a le regard pas net, la bile gonzo de celui qui a envie d'en découdre. Le type, c'est Joey Bada$$, le leader de Pro Era, alternative Old School et puriste au son barré d'Odd Future. Prend ça Los Angeles.

09oct2012